Le bazar de Tabriz
Tabriz, Iran
Après deux jours de route depuis Aleppo en Syrie, suite à une magnifique traversée de l’Est de la Turquie, nous arrivons à Doÿubayazit, prononcé officiellement « doh oo bay yah zuht » mais, imaginez plutôt quelque chose qui sonne comme : « dohohhbyhayz’t » la bouche pleine. Pas un chat ne parle anglais. C’est en répétant « Iran, Iran! » qu’on se retrouve finalement dans une fourgonnette remplie d’hommes en direction de la frontière iranienne… Le ciel est sombre, il commence à pleuvoir.
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AVERTISSEMENT : si vous avez déjà la chair de poule ou froid dans le dos, il est vivement déconseillé de lire cette chronique.
Je suis sérieux ; âmes sensibles, s’abstenir.
Vous êtes certains de vouloir continuer ?
Ok, bravo pour votre courage.
C’est parti.
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Nad enfile une grande robe noire et un voile. Nous marchons vers le poste frontalier de la République islamique. On vérifie nos passeports une première fois avant de traverser une clôture grillagée. Le drapeau iranien flotte dans le vent froid. Chaque claquement du tissu résonne comme un coup de foudre. Un soldat et son grand fusil approche. Il nous demande notre nationalité. Il prend nos passeports et nous ordonne de le suivre… Il ne dit rien du trajet.
Stress.
Il donne nos passeports à l’agent d’immigration et nous fait asseoir pour nous éviter de faire la file !
Bienvenue en Iran.
Vous êtes déçus, n’est-ce pas ? Vous nous pensiez se cachant pour éviter de se faire bastonner, bâtonner, lapider et finalement empaler parce que nous venons de l’Ouest… La souffrance quoi!
Je sais, c’est l’enfer…
C’est tellement l’enfer qu’après le passage de la frontière, Davidi, un homme dans la cinquantaine, nous prend gentiment en charge, paye le taxi jusqu’à la première ville puis, nous organise le transport suivant.
Le martyre…
Ce n’est pas fini. Le lendemain, nous allons à l’info touristique par curiosité. On visite de moins en moins ce genre de bureau parce qu’on tombe trop souvent sur des incompétents, des intentionnés, voire des irrespectueux. Bref, on entre dans le bâtiment et Nasser nous accueille : « Entrez, s’il vous plaît! Prendriez-vous un thé et une sucrerie? ».
Un vrai calvaire.
Nous parlons ensemble (en français, il connaît huit langues) du peu de touristes qui visitent l’Iran – il trouve que leur réputation est injuste. Puis, il nous demande si nous sommes musulmans.
« - Non, pourquoi ?
- Parce que vous en avez l’air! »
Par précaution, Nad n’a pas négligé de bien cacher ses cheveux et de couvrir ses formes avec du noir. Et moi, j’ai une barbe suffisamment avancée…
Il nous fait comprendre que les choses changent peu à peu et que la police religieuse n’est plus ce qu’elle était il y a quelques années. Et spécialement pour les femmes touristes, un foulard sur les cheveux et des vêtements non-moulants suffisent amplement.
Quel supplice!
Mosquée bleue.
À peine arrivés à la mosquée bleue, une attraction de la ville, un couple nous offre une partie de leur pique-nique. Ils ne parlent pas anglais, mais on comprend qu’ils nous souhaitent la bienvenue. La pâtisserie fraîchement entamée, un autre jeune homme arrive de nulle part et nous offre un verre de boisson gazeuse. Il repart aussitôt.
Plus capable !
Nous cherchons un café Internet (pour rassurer nos familles!). On demande à un homme dans la rue s’il peut nous indiquer le chemin. Il nous accompagne tout sourire jusqu’au café. Poignés de mains.
Quelle angoisse !
Un gars dans la vingtaine se présente…
« - Bonjour! Vous êtes d’où?
- Canada!
- Avez-vous quelques minutes, je voudrais vous inviter à prendre le thé dans un teashop traditionnel. »
Effrayant !
Un passant nous aborde. « Aimez-vous l’Iran ? » demande t-il. « Si vous avez un problème, besoin d’aide, voici ma carte. Appelez-moi à n’importe quelle heure. »
Un cauchemar…
Je me réveille.
Nous allons prendre le petit-déjeuner près du bazar dans un restaurant où ils fabriquent leur propre yogourt qu’ils servent avec un énorme pain plat et du miel succulent. Nous retournons à l’info touristique pour poser quelques questions sur notre prochain trait sur la carte.
Le bazar de Tabriz
« Bon matin! Asseyez vous. Je vous sers un thé mes amis ? »
Ok, ce n’était pas un mauvais rêve. J’ai bien peur que ce sera ainsi durant tout le séjour…
-Will