Le suicide, les armes à feu et le coroner Michel Ferland
Dossier Suicide, Journal de Montréal
Dans le Journal de Montréal du 12 février dernier, nous pouvons y lire les recommandations du coroner Michel Ferland: « Nous sommes d’avis qu’une personne détentrice d’armes à feu qui manifeste des idéations suicidaires sérieuses devrait se voir interdire la possession à tout jamais d’arme à feu. » Il demande au au ministre québécois de la Sécurité publique de s’entendre avec son homologue fédéral « pour trouver une solution afin d’interdire la remise des armes à feu à un détenteur » qui a déjà pensé à se suicider.
Dans l’histoire du meurtre suivi d’un suicide que le coroner Ferland avait à étudier, il conclut que le suicidaire avait une santé mentale trop instable pour posséder des armes.
Je demeure bouche bée devant de telles conclusions. Il y a un manque complet de compréhension du processus suicidaire et le coroner Ferland tente de régler un problème complexe avec une solution simpliste.
Imaginez un policier qui fait une dépression et qui commence à penser au suicide. Une telle loi va-t-elle l’aider à demander de l’aide? Sûrement pas. S’il se dénonce comme étant suicidaire, il va perdre le droit de porter une arme, donc son emploi.
Suite à une crise suicidaire, aussi intense soit-elle, la résolution de la crise peut prendre différente finalité. Elle peut-être positive, c’est-à-dire que la personne en sort grandi et plus forte. Elle peut-être neutre, c’est-à-dire que la personne en sort dans le même état qu’elle était avant la crise. Elle peut-être négative, c’est-à-dire qu’elle en ressort affaibli et plus vulnérable.
Ce qui est important, c’est d’offrir suffisamment de ressources et de soutien pour que la personne suicidaire puisse en arriver à grandir dans cette épreuve et devenir plus forte qu’elle était avant la crise. Avec une bonne intervention, cela est possible. On ne peut étiquetter une personne qui a vécu une période suicidaire pour le restant de ses jours sans en connaître son cheminement, son droit à revenir à une vie normale.
Un tel jugement pourrait s’appliquer non seulement aux personnes suicidaires, mais à toutes personnes ayant vécu des difficultés dans une période de sa vie. Avec le même raisonnement, devrait-on dire que toutes les personnes ayant des troubles d’alcoolisme, de toxicomanie, de gambling ou autres, sont des personnes finies pour le restant de leur jour et qu’elles ne sont plus aptes à posséder une arme ou à conduire leurs véhicules…
Si on commence à stigmatiser une personne qui a vécu des difficultés il faudra enlever des droits à des centaines de milliers de citoyens aujourd’hui bien rétabli de leur crise. Peut-on affirmer qu’aucun policier, médecin, politicien, enseignant ou autre n’a eu des idéations suicidaires ou d’autres problèmes qui pourraient justifier de lui enlever ses droits et privilèges à vie?
Un tel jugement est une sentence à vie que l’on veut imposer à des citoyens qui ont besoin de soutien. Dans ces recommandations du coroner Ferland, il mentionne que la personne avait une santé mentale instable. Il est vrai qu’une personne qui a une santé mentale instable ne devrait pas avoir accès à une arme à feu. Mais ce n’est pas parce que nous sommes suicidaire que nous avons des problèmes de santé mentale à vie.
Si M. Ferland veut être cohérent avec ce qu’il dit, qu’il enlève le permis de conduire à vie à toute personne qui a eu un problème d’alcool. Selon son raisonnement, même si ces personnes règlent leur problème et sont abstinentes, elles demeurent des dangers et des risques publics. S’il veut se rendre jusque-là, qu’il n’oublie pas d’enlever les privilèges à tout le monde, incluant des premiers ministres que nous avons eu et qui ont eu des problèmes d’alcool.
M. Ferland aurait dû dénoncer le manque de suivi et de ressources que nous offrons aux personnes suicidaires. J’ai vu trop souvent des jeunes entrer à l’hôpital pour une tentative de suicide et en ressortir 24 heures après avec un rendez-vous avec un psychiatre dans 6 mois. Sachant que les risques sont élevés d’une deuxième tentative de suicide dans les semaines qui suivent la première, cela est une négligence qui se doit d’être dénoncé.
Si dans le cas qui nous concerne il y avait eu un suivi digne de ce nom, les événements se seraient déroulés différemment.
Pour le Québec: 1-866-APPELLE (277-3553). Site Internet. Les CLSC peuvent aussi vous aider.
La France: Infosuicide 01 45 39 40 00. SOS Suicide: 0 825 120 364 SOS Amitié: 0 820 066 056
La Belgique: Centre de prévention du suicide 0800 32 123.
La Suisse: Stop Suicide
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