"Hé, ho ! Viens. Approche-toi. Plus près. Tu vois bien que je ne peux pas bouger, que je ne peux pas me déplacer, alors viens, approche-toi. Là, oui, c'est bien. T'as pas quelque chose à me dire, un brin de conversation à me faire ? Qu'est-ce que tu as dans la poche de ta veste, elle est sacrément gonflée. Prête à éclater... Du tabac, un ballon de baudruche dégonflé - curieux, ah ! C'était pour une fête anniversaire ! - un journal du mois dernier plié en quatre, ton porte-monnaie vide !?, "l'Imitation de Jésus-Christ", là, tu me scies avec ce bouquin, un canif, une pelote de ficelle, un fil à plomb, une barre céréales, un tube de "Super-glue", mais qu'est-ce que tu fais avec tout ça dans ta poche ? ... T'es curieux pour un passant, non, ne t'en vas pas, je plaisante, fais-moi un brin de conversation, je t'en prie, tu vois, on est bien, cette rue est calme, moi, je suis empêtré dans mon mur, mais, je vois tout, j'ai réussi à dégager ma tête des briques, je respire, ouf ! Qu'est-ce qu'il fait beau ce matin... Ah ! t'es presque à la retraite ? C'est super, et que vas-tu faire après ? Rien !? Attendre... Mais attendre quoi ? Ne fais pas ça, tu vas t'emmerder, viens plutôt me voir, on fera...On regardera les autres, oui, tous les autres, tous ceux qui passent.."
(*) ci-dessus : Francis Bacon, triptyque inspiré de "Oreste" d'Eschyle, lithographie, 1981, galerie Alice Pauli, Lausanne / Suisse