A la première écoute mon oreille fut ferrée (elle est aiguisée comme celle d’un Léo).
Auparavant une gigue traînait, (pas de quoi fouetté un Charles) elle était plutôt insipide et ne s’adressait qu’à mes pieds (sans même leur parler en vers). Las de gigoter bêtement j’allais m’arrêter, et c’est là qu’a retentit la chanson d’Aretha : Jusqu’à ce que tu me reviennes c’est ce que je vais faire.
Hélas il ne nous reviendra pas qu’allons nous donc faire ?
Jean Ferrat était le dernier cuirassé de la chanson française, ce n’est pas Eisenstein qui me dira le contraire. Si son homonyme, ou presque, a découvert la relativité lui a découvert l’engagement cinématographique. Même si la comparaison tombe comme un cheveu sur la soupe, c’est toujours le cas quand on parle de pellicule, le point commun entre les deux hommes, le cinéaste et le chanteur, est l’engagement.
Un engagement sans faille pour un verbe sans concession, une musique riche et une voix puissante.
Là tout de suite je ne vois pas qui pourra assurer la relève, parce que Jean Ferrat n’écrivait pas ses vers avec le pied de gauche, sacrée césure c’est sûr, et n’avait pas oublié sa voix, à côté de sa vocation, lorsqu’il enregistrait ses chansons pour les offrir au public.
J’ai découvert sa musique d’abord grâce à ma mère qui fredonnait parfois La Montagne, puis, quelques années plus tard, un ami, un vrai, m’a rappelé quel grand chanteur il était, certes par la taille mais surtout par le talent.
Je suis donc allée m’acheter un best of, j’avoue c’est un peu minable, le lendemain de notre discussion.
Cependant si l’essentiel de son œuvre ne pouvait être contenu dans ces quelques 24 chansons, elles m’ont donné l’envie de la redécouvrir par le menu. Et vu ce que la carte nous propose en ce moment, je parle de la grande salade des variétés avec la vinaigrette nouvelle scène française, c’est le mot aigre qui a probablement été retenu parmi toutes les syllabes qui composent en partie la sauce ; les chansons de Jean Ferrat sont de loin les plus faciles à digérer. A vrai dire les chansons de Jean Ferrat aide à digérer la lourdeur de ce monde, parce qu’elles permettent de garder l’espoir en se disant : « Non le marché n’a pas encore complètement conquis le moindre recoin des têtes artistiques nationales ! »
Evidemment je parle de l’art de la chanson, pas des velléités. Il est mort, ceux à qui, comme moi, la musique peut aider au transit ont du souci à se faire.
Je ne me présenterais pas comme un de ses amis, ce qui est apparemment de bon ton quand une sommité nous a quitté, je suis juste un admirateur, autrement dit un fin gourmet.