Le pélican aux bracelets

Publié le 30 avril 2010 par Bababe

Le pélican aux bracelets et autres commentaires d'images

1) LE PELICAN SAUVÊ DES FILETS

Après les pâturages* insolites abandonnés aux moutons et aux chèvres des villes qui feraient se retourner dans leur tombe plus d’un berger du Fuuta d’antan, il était réconfortant de rencontrer sur une plage, ce pélican sauvé par un Lébou.  Pélican dont le long voyage avait été interrompu par un de ces nombreux morceaux de filets de pêcheurs, qui, de plus en plus, prennent  la place des vivants des eaux.

 Ces filets qui l’étranglaient et l’empêchèrent, voilà six ans, de poursuivre sa migration avec ses compagnons.

Aujourd’hui apprivoisé, le pélican  solitaire a oublié les disgracieux filets et arbore fièrement des anneaux de perles en guise d'amulettes de protection.

Il ne fait plus que quelques courtes excursions au large et, curieusement,  visite quotidiennement l’un  des hôtels les plus luxueux de Dakar, où il fait le bonheur de ceux qui l’approchent.

Désormais, il ne pêche plus. Il se nourrit de poissons que les vendeuses de hareng lui offrent, ou de ceux qu’il leur chipe.

Spectacle réconfortant que celui du pélican miraculé, mais trop bref éclair de joie, face à la réalité agressive émanant de minuscules moineaux humains livrés à la cruauté de la rue.

La misère qui exhibe ouvertement ses plaies sur leurs corps et leurs habits, aurait du suffire à leur donner sans qu’ils ouvrent la bouche pour mendier.

***les pâturages insolites font référence au billet du "Monument de la renaissance".

2) FORCES ET FIL FRAGILES

 Qu'est-ce qui pouvait bien pousser cette femme de près de 86 ans à mobiliser le peu de forces qui lui restait pour préparer elle-même un authentique plat de son enfance, un repas du temps où elle vivait  au village, avant son exil dans la grande cité-capitale, il y avait près de sept décennies.

 Pourtant dans la maison, elle disposait de dizaines de mains qui pourraient cuisiner à sa place, comme elles l'avaient toujours fait pour tant d’autres mets.Serait-ce pour revenir à son « iwdi » que sa très longue  vie citadine n’était pas parvenue à effacer ?

 Ses faibles forces étaient aussi fragiles que le fil invisible qui lui servait pour recoudre les liens de la parenté. Fil dont elle savait qu'il n'avait pas la solidité de celui qui liait ceux de sa génération qui avait entièrement baigné dans une culture de partage et de solidarité. Culture à laquelle  les générations d’aujourd’hui étaient de plus en plus étrangères,  la contestant et la critiquant ouvertement.

 Autre époque, autres mœurs, sentait-elle. Elle qui avait connu l’époque où l’abondance, la solitude, le dénuement étaient partagés dans un vivre ensemble harmonieux dans la diversité et des avoirs et des caractères.

Craint-elle que la culture de solidarité et de partage  disparaisse avec elle ?

3) PLAISIR ET SURPRISE

 Etait-ce de m’être retirée de la ville, de sa pollution et de ses bruits, pour une journée dans un verger de la lointaine périphérie de Dakar ? Je me sentais, tout à coup, plus légère, et un parfum de bonheur me titillait  les narines. 

A ce plaisir s’était ajoutée l'agréable surprise de découvrir chez un homme que l'opinion avait catalogué "toubab" une parfaite maîtrise de la langue peule (épicée de savoureux dictons et proverbes). Etrangement, l'excellent Français qu'il parlait (et qui avait largement contribué à cette étiquette "toubabesque"), le rendait encore plus sympathique à mes yeux.

C’est en ce lieu paisible, où l’oreille se nourrit de chants d’oiseaux, et l’œil d'arbres en fleurs et de fruits encore suspendus à leurs branches, tels une offrande à ma gourmandise, qu'un chef d’entreprise dynamique et créatif s'accordait quelques rares moments de détente.

Peu enclin à l’humour et aux divertissements, c'était un homme prisonnier des obligations et des contraintes de la société traditionnelle,  tiraillé entre deux exigences qui semblaient contradictoires.

D'un côté, assurer la viabilité et le développement de son entreprise et, de l’autre, offrir à sa famille une certaine aisance, soutenir les parents dans le besoin et satisfaire les innombrables solliciteurs.

Ce qui fait dire à un de ses oncles, homme plein de bon sens qui,  tout en multipliant ses entreprises, s'est soustrait sans complexe aux exigences de la  tradition, que son neveu était à la fois un manager dynamique, connaisseur  des secrets de l'économie moderne, et un bureau d’assistance sociale doublé d'un distributeur automatique de billets de banque.

  D’où un des proverbes du jour qui pourrait illustrer le comportement du neveu en question :  wuurande  bandum en buri sadde e wuurande hoore mum

(vivre pour les autres est plus difficile que vivre  pour soi).

***Ces trois petits textes devaient être publier en commentaire du billet (LA COUSINE ET LE MONUMENT)