Dans son N° 291 de Mai 2010, La revue Alternatives Economiques consacre son dossier à « Pourquoi les riches doivent gagner moins».
Ce dossier a été réalisé en partenariat avec La ligue de l’enseignement qui réunit son congrès 2010 autour du Thème « Comment faire la société ? »
CE QUE L’ON PEUT EN RETENIR :
« En France, les inégalités de revenus ont crû par le haut ces dernières années. Une fraction des hyper- riches a ainsi rompu les amarres avec le reste de la société.
Pour rentrer dans le club très fermé des 0,01% les plus fortunés, il faut passer la barre des 82 000 euros par mois.
Le 0,01% a vu ses revenus grimper de 40% entre 2004 et 2007.
A l’évidence, ces revenus ne traduisent guère le mérite des intéressés. Il sont souvent en grande partie issus de transferts entre générations par le biais de l’héritage : c’est une « richesse de lignée », favorisée par les incitations fiscales à la donation et par la récente réforme de l’impôt sur les successions. En outre l’augmentation de la valeur des actifs patrimoniaux doit beaucoup plus à l’évolution globale du marché qu’à l’intelligence particulière des bénéficiaires dans la gestion de leurs placements.
Le patrimoine n’explique pas tout et les riches prennent )également une part beaucoup plus que proportionnelle dans les revenus d’activité. Le top 1% en capte ainsi 5,5%. Selon l’Insee, les très hauts salaires (le 1% des salariés du privé les mieux rémunérés) ont connu une croissance annuelle moyenne de 5,8% en termes réels entre 2002 et 2007 contre 2,3% pour les autres… La France fait partie des pays où les patrons des grandes entreprises sont les mieux payés.
Bien sûr , les patrons des grandes entreprises ne sont pas les seuls à s’être copieusement enrichis ces dernières années. Les sportifs de haut niveau, les stars du show-business, les traders des grandes banques ont, eux aussi, empochés des revenus dont les montants dépassent l’imagination du commun des mortels.
L’Economie seule, ne parvient pas à justifier sérieusement l’envolée des plus hauts revenus. En réalité, les disparités de revenus relèvent d’abord d’un compromis social, souvent tacite, et d’une tolérance collective aux inégalités plus ou moins grande.
L’égalitarisme Français est souvent de façade, dissimulant des pratiques et des réalités moins conformes aux idéaux affichés…. Ce voile se déchire actuellement parce que la crise aiguise les sentiments d’injustice.. mais aussi parce que, à l’évidence, les ordres de grandeur sont devenus incommensurables entre le haut et le bas de l’échelle sociale..
Si on veut apaiser les ressentiments nés du spectacle de ces inégalités et arrimer à nouveau les riches au cercle de la solidarité, l’Etat doit se résoudre à réviser radicalement sa politique fiscale…
Le problème souligne Amartya Sen « prix Nobel d’économie 1998 », n’est pas de savoir quelle est la société juste, mais ce que nous pouvons faire qui permette d’avancer vers davantage de justice, notamment en rendant chacun capable de mettre en œuvre les potentialités qu’il porte en lui.
L’affirmation selon laquelle la cohésion sociale prime sur l’efficacité économique… ouvre une voie que d’autres commencent à explorer : une société est d’autant plus performante qu’elle donne à chacun les moyens pour parvenir à franchir les obstacles rencontrés. Ces ne sont plus les dirigeants qui font le dynamisme d’une société, mais l’ensemble de sa population, y compris dans le bas de l’échelle sociale.
On rejoint ainsi le programme d’Arthur Okun (économiste américain des années 1970, préoccupé de justice sociale), qui demeurent plus que jamais d’actualité : « mettre un peu de rationalité dans l’égalité et un peu plus d’humanité dans l’efficacité ».SOURCE : Alternatives Economiques
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