La crise à laquelle sont confrontés les gouvernements de la zone euro est très grave. La situation de la Grèce sur le court comme le moyen terme est quasiment désespérée. La réalité des chiffres montre qu'aucune solution indolore n'est envisageable pour l'instant. Rien que pour tenter de résoudre la crise grecque, on parle maintenant d'un besoin de 140 milliards d'euros sur trois ans.
L'impasse
Afin d'empêcher l'Etat grec de faire défaut, les conditions suivantes doivent être remplies simultanément dans les prochains jours :
Les membres de la zone euro doivent se mettre d'accord sur un plan de sauvetage de 100 milliards d'euros pour l'année 2010, disponible immédiatement, avec l'accord-éclair des parlements nationaux. Nous en sommes loin mais cela reste possible et nous verrons si Angela Merkel trahit ses électeurs en prenant une décision économiquement raisonnable - comme elle a l'habitude de le faire - le 10 mai 2010, au lendemain des élections allemandes.
Le FMI doit avoir des garanties claires du gouvernement grec (sous la forme de propositions détaillées de réformes drastiques) et de la zone euro (sous la forme d'un appui financier sans faille à l'Etat grec) pour pouvoir espérer coordonner le processus.
A l'exception de la deuxième, il est possible qu'aucune des conditions ci-dessus ne se réalise, sans parler de réalisation simultanée. Les plans de sauvetage esquissés actuellement arrivent trop tard, sont trop petits et personne ne fait confiance au gouvernement grec pour réformer sérieusement l'Etat.
Sans compter qu'il faut croire en la capacité du FMI a réussir à imposer des réformes en Grèce et à gérer la crise au mieux – ce qui est un acte de foi si l'on considère la façon dont les récentes crises en Asie, en Russie et en Amérique du Sud ont été gérées.
Un défaut de l'Etat grec est probable à court et moyen terme et quasi-certain à long terme. Dans le passé, d'autres pays ont réussi à gérer un endettement public excessif mais jamais avec des taux d'intérêt aussi élevés et jamais sans dévaluer leur monnaie. Et il est impossible pour la Grèce de dévaluer sans faire défaut car sa dette publique est en euros.
Les crises budgétaires nationales se transforment en crise bancaire européenne. Celles-ci (les banques commerciales françaises, suisses, allemandes, et en particulier la Société Générale, Fortis et Dexia) sont très exposées aux dettes grecques et seront « sauvées » par les Etats nationaux en cas de faillite.
La crise va donc perdurer, s'étendre et s'intensifier. Le rééchelonnement de la dette grecque apparait donc de plus en plus comme une option détestable mais difficilement évitable. Derrière la Grèce se profilent déjà les crises potentielles et dévastatrices de l'Irlande, du Portugal, de l'Italie et de l'Espagne. Quand le gouvernement allemand acceptera d'aider l'Etat grec, il ne pourra pas faire de même pour les autres Etats en difficultés.
Trois scénarios possibles
Trois scénarios sont possibles.
A. Bluff et miracle – Comme ils l'ont fait jusqu'à présent, les gouvernements des Etats membres de la zone euro organisent beaucoup de conférences et font des déclarations solennelles en compagnie du G20 et du FMI. Les investisseurs croient soudainement que tout va bien, les taux d'intérêt se stabilisent, les Etats ne font pas défaut et des mesures sont prises à posteriori pour éviter une rechute immédiate.
B. La BCE fait tourner la planche à billets - D'une manière ou d'une autre, la BCE peut obtenir la permission de racheter les bons du Trésor des Etats en difficultés. C'est la solution « planche à billets », la BCE donnant des euros frais en échange de bons du trésor qui ne valent (presque) plus rien. Certains économistes pensent que l'Etat allemand est peu susceptible d'accepter cette option. Cela peut permettre à ces Etats de ne pas faire défaut mais cela provoquera une hausse importante de l'inflation au sein de la zone euro. Avec l'inflation vient un appauvrissement des européens les moins riches et un enrichissement des fonctionnaires et para-fonctionnaires et salariés des entreprises corporatistes les plus proches des Etats (banques commerciales, services financiers, énergie, grandes industries, BTP, agriculteurs…) aux dépens des PMEs qui représentent 90% du secteur privé en France.
C. La situation d'autres Etats européens se détériore – Les Etats italien et espagnol ont de moins en moins la confiance des investisseurs. Dans le cas espagnol, les investisseurs constatent que ce pays doit faire face à un taux de chômage de 20%, une dette publique très importantes, un déficit budgétaire de 11,2% (13,6% pour l'Etat grec) et ils considèrent qu'un taux d'intérêt de 5% est trop faible par rapport au risque qu'ils prennent. La situation est plus ou moins la même en Italie. Donc, au fur et à mesure que les investisseurs potentiels deviennent plus prudents, les taux d'intérêts des bons du trésor de ces deux Etats augmentent, ce qui conduit à une fragilisation des systèmes banquiers nationaux, à une contraction du crédit et à une fuite des capitaux. Les investisseurs – des banques commerciales et des fonds de pension qui gèrent l'épargne et les retraites de personnes réelles comme vous et moi – refusent d'acheter davantage de bons du Trésor. C'est ce qui s'est passé le mardi 27 avril 2010 quand les Etats espagnols et irlandais ont eu de très grandes difficultés à placer leurs bons à court terme – ce qui est très grave. Si cela survient pour plusieurs pays, ou pour un pays important, le problème ne pourra pas être résolu par Berlin ou la BCE seuls et la zone euro peut s'effondrer.
C.a. Détérioration et chaos – en cas d'effondrement, un changement de régime politique de certains pays européens n'est possible que s'il existe des mouvements politiques importants, très organisés, hiérarchisés, couvrant l'essentiel du territoire national, ayant pour objectif de réaliser un coup d'Etat, ayant la volonté et la capacité d'affronter l'Etat par la violence ou la menace de la violence. A part l'état-major des armées nationales et certains mouvements syndicaux dans certains pays européens, ces forces ne semblent pas exister.
C.b. Détérioration et solution libérale – Les solutions et réformes étatiques se font attendre, les gouvernements accusent les « spéculateurs », les « marchés financiers », l'ultralibéralisme anglo-saxon. Pendant ce temps, les Etats commencent à faire réellement défaut et ne parviennent plus à financer la totalité de leur Etat-Providence (système de santé, retraites, éducation et autres agences publiques) car les Etats ne pourront plus financer leurs déficits sur les marchés financiers. La population perd confiance dans l'Etat et se tourne vers les secteurs privés et associatifs pour gérer ce qui était auparavant géré par l'Etat.
C.c. Détérioration et solution étatiste internationale - Si le scénario C se réalise, il existe une porte de sortie mais, pour des raisons politiques, ni Berlin ni la BCE ne veulent en entendre parler. Il y a donc de grandes chances pour que cette solution soit choisie et définie en détails au dernier moment. Il s'agit du package habituel réservé aux Etats émergents en crise grave : dévaluation monétaire importante, restructuration des dettes publiques, changement des réglementations monétaires telles que nous les connaissons aujourd'hui, et aide massive en provenance des pays non-européens du G20 (représentés par le FMI ?) pour aider les gouvernements européens à faire accepter des plans d'austérité nationaux. Cette aide extérieure sera très importante. Si nous prenons comme hypothèse que pour restaurer la confiance, il faut racheter 3 ans des dettes publiques grecque, portugaise, espagnole et italienne, la somme peut atteindre de 800 à 1 000 milliards d'euros mais la chute de l'euro par rapport au dollar peut faire baisser ce chiffre. En échange de cette aide de très grande ampleur, le système européen est sommé de changer. D'une manière ou d'une autre, le pouvoir de décision glisse vers Bruxelles ou Francfort. Par exemple, c'est la BCE qui est chargée de vendre à un certain prix des bons du Trésor européen (ou assimilés) aux Etats nationaux. Au bout du compte, il y aura émergence d'une politique économique commune en Europe comportant non seulement la maîtrise de la politique monétaire, mais aussi et surtout une politique budgétaire, sinon commune, du moins étroitement concertée. En théorie, elle aura pour objectif d'interdire catégoriquement les déficits budgétaires successifs et la fuite en avant dans un endettement croissant. En pratique et à moyen et long terme, les pressions politiques des capitales européennes feront en sorte de rendre laxiste le nouveau système, les déficits budgétaires et la hausse de la dette publique seront tolérés.
Qu'ont en commun les deux scénarios les plus probables ?
Ce sont les scénarios B et Cc qui ont le plus de chances de se réaliser. Qu'ont-ils en commun ?
Dans les deux cas, la centralisation du pouvoir est apparente (apparente plus que réelle, puisque ce sont bien les gouvernements nationaux qui font pression sur la BCE) et la valeur de l'euro se dégrade.
Nous nous dirigeons donc vers une collectivisation européenne des risques des Etats nationaux via la formation d'un gouvernement économique européen, plusieurs décennies de croissance faible ou très faible (donc un ascenseur social bloqué), une lente descente dans le classement du niveau de vie par rapport aux autres pays, la formation et l'éclatement de bulles à cause de l'inflation, une accentuation de l'antilibéralisme, de l'anticapitalisme en Europe et la reformation d'une montagne de dettes publiques, au niveau européen cette fois.
Jean-Pierre Jouyet, former French Europe Minister and Chairman of French regulator AFM, has told RMC Radio, "What the markets are looking for is the plan, which will be presented tonight or over the weekend. It will be done, it is almost completed. I have no doubt about that." The eurozone/IMF bailout package will be in the area of €100-€120 billion, according to most reports in the European media. German Chancellor Angela Merkel is quoted in Focus saying, "We can count on a result in the next few days. Then we'll be able to put a legislative process in action in Germany. But all in the right order." Source : http://www.openeurope.org.uk/media-centre/summary.aspx ?id=1090