Shanghai qui rit

Publié le 30 avril 2010 par Yvesd

Athènes qui pleure, Shanghai qui rit, qui affirme haut, très haut même, que c’est désormais en Chine que ça se passe, plus à New York et encore moins dans ces improbables bourgades désormais reléguées aux marges de l’Empire du Milieu que sont Londres, Rome ou Paris.

Shanghai qui annonce fort, très fort même, que le temps du hamburger et, a fortiori, celui de la (vraie) galette-saucisse est révolu que voici venu celui du canard à la pékinoise, du riz OGM à la cantonaise et des travers de porc à la shanghaienne.

On l’a compris, l’inauguration de l’Exposition Universelle au débouché du Yang-Tse est une nouvelle occasion pour les Chinois d'affirmer leur supériorité sur ces gros barbares d’Occidentaux.

C’était déjà sensible avec celle des JO de Pékin, à en juger par la déférence à peine crispée manifestée par Sarko à Hu Jintao, c’est désormais clair pour tout le monde.

Shanghai ambitionne donc de devenir la prochaine ville-monde pour reprendre le concept formulé par Fernand Braudel, d’inscrire son nom au bas de la liste sans doute ouverte par l’Amsterdam du dix septième siècle, la Londres du dix-neuvième et la New-York du vingtième. Celle de ces cités portuaires qui, à une époque, ont concentré entre leurs murs tout ce que le monde connu pouvait compter, de talents, de richesses et d’innovations.

Franchement chez « Restons Correct ! », tant qu’on n’est pas obligé d’y aller, tant qu’on a encore le droit de préférer Manhattan à Pudong, on s’en bat un peu les balloches.

D’autant plus que, pendant qu’ils déversent des tombereaux de yuans sous-évalué dans leurs délires mégalomaniaques, nos nouveaux grands z’amis les Chinois ne viennent pas racheter à vil prix nos belles usines et leurs technologies, avec pour objectif principal d’égorger jusque dans nos bras nos fils, nos compagnes et nos assurances sociales.

Reste qu’à l’instar de Rome, ni Amsterdam, ni Londres, ni New-York ne sont bâties en un jour, ni même en quelques décennies. La culture urbaine n’a rien à voir avec celle des champignons, c’est le fruit d’un lent processus « naturel » de concentration économique, culturelle et financière qui s’alimente en continu des produits de la Liberté de créer, de penser, de communiquer, de débattre, de s’exprimer. Ce n’est jamais le produit de décisions politiques venues « d’en haut », imposées au besoin par la force à leurs citoyens

Pas sur que de ce point de vue Shanghai la Chinoise soit partie pour tenir durablement le haut de l’affiche. Il se pourrait même qu’un jour ou l’autre ses édiles et ses habitants rient un chouia « jaune ».

L’avenir le dira mais, s’il est certain que l’époque des concessions, des ruelles louches empestant la sauce soja et des fumeries à l’enseigne du Lotus Bleu appartient au passé, rien ne prouve pour autant que ce soit gagné d’avance.

On sait depuis belle lurette qu’en matière de développement économique et social rien ne sert de tirer sur la queue des carottes pour faire pousser les gratte-ciels et que, quoi qu’on fasse, la Roche Tarpéienne n’est jamais très loin du Capitole…