Voici donc en intégralité l'échange que nous avons eu est qui publié sur son blog. Merci Dim !
Si quand j’ai pris la décision, j’ai eu très peur, peur du vide, peur du rien, peur de la fin d’une aventure où j’ai mis beaucoup de moi même. Mais aujourd’hui, j’ai fait largement le tour de la question. Et je sais que j’arrête pour de bonnes raisons. Ma décision a été mûrement réfléchie et je l’ai prise en totale adéquation avec mes envies et mes besoins.
* Quelle a été la réaction de tes client(e)s ?
De très très nombreux messages chaleureux qui témoignent de la tristesse mais aussi beaucoup de soutien. Nombre de mes clientes ont bien compris que la société était tenue par moi seule et il y a une sorte de lien qui s’est créé au fil des années (3 ans quand même !)
* Quels sont les facteurs qui t’ont amené à jeter l’éponge ?
J’en retiendrai 3 :
- De grosses erreurs sur mes achats de stock faites les 3, 4 premières saisons.
- Une conjoncture économique difficile et un marché qui se cherche encore.
- Je ne suis pas une commerçante : j’adorai mes produits et je les ai valorisé du mieux possible mais au fond la vente ce n’est pas mon truc je pense.
* Comment analyse-tu le marché de la mode éthique globalement ?
Très médiatisé sous l’angle glamour et fashion, on a encore beaucoup de mal à comprendre ce qu’est un vêtement responsable : entre matière premières, confection, filières, transport. La filière textile est très complexe. Tout est encore confus dans l’esprit des consommateurs. Et puis les marques et distributeurs hésitent encore entre mettre en avant le côté mode de leurs produits ou alors le côté éthique et écologique. Ce problème de positionnement accentue la confusion dans les esprits. Il me semble que la progression du marché du bio / écolo dans la mode ou la déco d’ailleurs ne se calquera pas à celle des cosmétique bio ou de l’alimentation. Sur ces 2 derniers secteurs l’acte d’achat s’inscrit dans une démarche de bien-être, c’est presque une question de santé publique, on ne veut plus s’empoisonner. La question environnementale et sociale vient après. Pour ce qui est du vêtement, le mécanisme d’achat n’a rien a voir. Acheter un vêtement bio ou équitable est résolument un acte civique. C’est comme faire un don pour WWF ou Action contre la faim. On ne le fait pas que pour soi mais par altruisme ou soucis écologique. Le vêtements responsable n’est pas un bien de consommation courante comme les autres même s’il est médiatisé comme tel.
* Quelle différence entre le moment où tu as monté Made-In Ethic, et aujourd’hui ?
Il y a 3 ans les magazines féminins parlaient de mode éthique en citant les “vraies” marques de mode éthique : les petites marques. Assez souvent mais en étant quand même bridées car au final les principaux annonceurs des mag féminins sont des enseignes textiles. Aujourd’hui plus de gêne (!) pour ces magazines puisque leur enseignes/annonceurs se mettent au bio alors oui on parle de mode éthique dans les mag féminin mais on nous ressert toujours les mêmes marques…. et la visibilité des petites enseignes s’en voit drastiquement réduite …
* Marché pas encore mûr ? que lui manque-t-il ?
Aujourd’hui je trouve qu’il y a beaucoup plus d’opportunités de croissance sur le secteur du recyclage, du troc, du vintage qui est tout en haut des tendances depuis quelques saisons. Et puis il y a une vraie cohérence dans le fait de réutiliser des matières des pièces pour créer un style, une tenue. Le marché du vêtement est saturé. Acheter seconde main suit une logique de réduction du gaspillage.
* Voit-on les mêmes tendances dans les autre pays ?
En Angleterre, il semblerait que les consommatrices ait intégré le vêtement écolo dans leur “shopping cart” mais s’ils ont quelques longueurs d’avance et si les boutiques ‘web’ notamment fleurissent, j’ai quand même l’impression (aux dires de mes fournisseurs qui sont présents sur ce marché) que ce n’est tout de même pas exceptionnel. Pour suivre l’exemple de quelques marques étrangères qui marchent bien, ce n’est pas la dimension éthique ou écologique qui est source de réussite.
* Les marques aussi se “cassent la gueule” pour la plupart non ?
Oui beaucoup de difficultés de façon générale sur ce secteur. Monter une marque de prêt-à-porter et très compliqué. Il y a saturation du marché. Même des marques pionnières du textile traditionnel ont des difficultés (Liberto par exemple). La puissance de frappe des enseignes textiles vient de leur marges réduites par une confection délocalisée : Inde, Bangladesh, Pakistan, Chine. Ce qui leur permet des investissements massifs en communication, marketing, points de vente, etc…. Dès lors que l’on sort de ces filières de confection où les prix sont “cassés”, on réduit sa marge, on réduit sa puissance de communication et donc de développement. Voilà le pari que doivent relever toutes les marques de mode dite éthique ou responsable.
* Elles n’ont pas “su” ou pas “pu” s’implanter dans les créneaux traditionnels ?
Elles n’ont pas pu…. à cause du prix en partie.
* Les acteurs de ce marché sont-ils victimes du “tort d’avoir raison trop tôt?”
Quand vous allez dans un centre commercial, 80% des espaces commerciaux sont monopolisés par des enseignes de prêt-à-porter. Le textile est le fleuron de la consommation de masse, et l’un des premiers secteurs qui s’est engagé dans la délocalisation. Depuis 15 ans, les enseignes du prêt-à-porter et du luxe ont déployé une stratégie marketing si puissante qu’aujourd’hui on peut voir des enfants de 10 ans complètement addict aux marques. Alors oui, les acteurs tentent de développer un business à vent contraire, face à des mastodontes de la consommation et auprès de consommateurs perfusés aux produits de marques….
* Et sur la comparaison “marque dédiée à l’éthique” Vs “rayon bio de H&M, y a-t-il une concurrence ?
Très jolies les fringues bio de chez H&M …. mais avec du coton OGM en fait …
* C’est une hécatombe dans les sites de vente en ligne de mode éthique, est-ce du au marché du prêt à porter et à ses règles (on mobilise de la tréso pour des collection futures ?) ou à autre chose ?
La conjoncture actuelle est très très tendue. Le marché de la mode bio fragile, le cumul des 2 a eu raison de nombreuses boutiques en ligne ou pas… et ce depuis début 2009.
* Tous les sites qui ont fermé ou ferment leurs sites étaient-ils sur la même configuration ? (fonds propres, quels capitaux au montage ?)
Je ne connais pas forcément les profils des autres entrepreneurs, j’ai quand même l’impression que les projets économiques tenaient la route et que les investissements de départ est très honorables, 20 000€, 30 000€ 40 000€.
* Constate-tu un mouvement similaire dans les boutiques “physiques”?
Oui depuis début 2009, c’est l’écho que me font beaucoup de mes fournisseurs. Et c’est aussi ce qui a provoqué la fermeture notamment de la marque Kamakala (après 5 ans d’existence)
* Aucun investisseur n’a été intéressé ?
Ca va venir…
* Une perspective pour ceux qui restent selon toi ? à quelles conditions ?
Des fonds pour ouvrir le marché …
* Et tes futurs projets alors ? Pour moi ça roule, j’avoue que j’ai eu un brutal désenchantement il y a quelques mois, et puis là j’ai bien fait le distingo entre échec financier et enrichissement personnel, choix de vie et choix d’activité professionnelle. Je souffle, je “remonte à la surface” après cette plongée en apnée que l’on fait quand on monte son entreprise et j’ai la chance de pouvoir rester à mon compte pour exercer l’activité de webdesigner.