D'après un sondage Ipsos, 54% des Français ne sont pas prêts à participer à un test de médicaments. « Pourtant, c'est indispensable si on veut que la recherche avance, explique le professeur Patrice Jaillon, président du Centre national de gestion des essais de produits de santé (CeNGEPS). Il faut dédiaboliser tout cela. Car sans essais sur des humains, pas de feu vert possible pour la commercialisation de nouveaux traitements ».
Les «cobayes humains» sont des volontaires avec des caractéristiques d’âge, de sexe… définies par l’étude, qui permettent de valider ou non la dernière phase de test des médicaments, appelée phase clinique (sur l’homme) avant l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché du médicament). Cependant La France semble assez timide en la matière et manque donc cruellement de cobayes. En moins de 10 ans, contrairement à ses voisins nordiques (Grande-Bretagne, Allemagne, Suède...), le nombre annuel d’essais cliniques a diminué et est ainsi passé de 1333 à 920. « Nous avons suffisamment de personnes saines, qui sont principalement des jeunes, précise Patrice Jaillon. Ce sont surtout les patients malades qui manquent ».
C’est pourquoi un appel a été lancé cette semaine par Vincent Diebolt, directeur du GIP CeNGEPS. Le directeur espère séduire ainsi d’éventuels volontaires en expliquant clairement en quoi consiste ce rôle, afin de rassurer la population et contrer les a priori persistants. « Certaines personnes pensent par exemple que des essais sont pratiqués sur des patients sans qu'ils le sachent, ou bien qu'ils vont être traités comme des cobayes. » Pour faire face à la pénurie, le CeNGEPS a lancé un site Internet, relayé sur Facebook, Twitter ou encore Dailymotion. Ce nouvel outil permettra d'informer le grand public, de faciliter l'accès aux protocoles d'essais en cours de recrutement mais aussi de combattre les idées reçues, qui ont bien souvent la vie dure dans ce domaine.
Les avis sont effectivement très partagés sur la question. Certains très positifs, comme ceux de Jean-Claude Bourgeot, 67 ans, atteint d’un cancer de la prostate depuis 2001 et qui s'est lancé dans une chimiothérapie expérimentale en 2008. « Mes deux précédents traitements avaient échoué. Alors quand mon cancérologue m'a parlé de cet essai clinique, j'ai accepté. Aujourd'hui, tout est tellement sécurisé, détaillé et encadré que j'en ai oublié qu'il s'agissait d'un traitement expérimental ». Mais d'autres aussi plus nuancés ou carrément inquiétants, comme celui de Benjamin, qui a testé des antidouleurs en 2003. « Un médicament au nom codé », se souvient-il. Un médicament qui lui a provoqué une crise de tachycardie de 24h, entraînant l'arrêt des essais pour lui et les volontaires suivants, ici.
Même si ces cas de figure extrêmes sont relativement rares, il ne faut pas nier le risque encouru. En effet, les médicaments ont été préalablement testés au maximum sur des animaux, mais jamais sur l’homme, et la barrière des espèces étant ce qu’elle est, on ne peut prévoir les impacts qu’auront les dits médicaments sur l’organisme humain. Détail non négligeable cependant, les essais cliniques sont de plus en plus encadrés aujourd'hui et peuvent rapporter jusqu'à 4500 euros par an, tout en aidant à sauver des vies. Comme la peur d’un risque de contamination lors du don du sang… des craintes persisteront sûrement à tort ou à raison, mais le jeu en vaut peut-être la chandelle ? A vous donc de vous forger votre propre opinion sur la question …
Pour aller plus loin : Articles source ici, là, ici et là. Site de la campagne de sensibilisation là, blog d’Elise, "petit rat de laboratoire" ici et autres témoignages là. Infos sur les essais cliniques ici, ici et là.