Abrogation d’instructions ministérielles non écrites sur les informations sur la localisation des disséminations d’OGM par l’effet de nouvelles instructions et l’absence de publication sur circulaire.gouv.fr
Appliquant le décret du 8 décembre 2008, sur l’abrogation des circulaires ministérielles non publiées sur circulaire.gouv.fr au 1er mai 2009, à des instructions non écrites, le Conseil d’Etat considère qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d’annulation du refus d’abrogation de celles-ci puisqu’elles doivent être considérées comme abrogées depuis le 1er mai 2009 en application de l’article 2 du décret.
En l’espèce, le requérant avait contesté en 2005 d’une part le refus implicite du ministre l’Agriculture et de la pêche d’abroger sa décision relative à la procédure d’information du public concernant les disséminations de plantes génétiquement modifiées et d’autre part, la décision implicite du ministre de ne plus transmettre les informations relatives à la localisation des disséminations aux autorités communales concernées
S’agissant du premier refus implicite, le Conseil d’Etat constate qu’il est vrai que de 1996 à 2005, le ministre a adopté une instruction invitant les maires des communes concernées par la dissémination d’OGM à ne pas communiquer les données relatives à ces expérimentations aux personnes qui en feraient la demande. Il estime son existence « suffisamment révélée par des courriers de préfets la mettant en application » et que « le ministre ne saurait sérieusement soutenir [que les préfets] auraient agi de leur propre chef et non en conformité avec cette instruction » - et ce alors même que le ministre en a dénié l’existence ou prétendu abrogée.
Relevant le caractère réglementaire l’instruction, le Conseil d’Etat va articuler ses principes classiques en matière d’abrogation des règlements illégaux (CE Ass. 20 févr. 1989, Compagnie Alitalia) et prendre en compte l’abrogation générale issue de l’article 8 du décret du 8 décembre 2008 à défaut de publication d’une circulaire ministérielle sur circulaire-gouv.fr (à l’exception des dispositions « dont la loi permet à un administré de se prévaloir ») :
- il rappelle donc d’abord que l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, est tenue d’y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l’illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures (voir pour une application récente à propos de l’affaire du double-tiret : CE, 4 déc. 2009, Lavergne, n° 315818 : CPDH 19 décembre 2009) et « que lorsque, postérieurement à l’introduction d’une requête dirigée contre un refus d’abroger des dispositions à caractère réglementaire, l’autorité qui a pris le règlement litigieux procède à son abrogation expresse ou implicite, le litige né de ce refus d’abroger perd son objet ; qu’il n’en va différemment que lorsque cette même autorité reprend, dans un nouveau règlement, les dispositions qu’elle abroge, sans les modifier ou en ne leur apportant que des modifications de pure forme » (v. en ce sens, CE 24 janvier 2007, Gisti, n°243976).
Or, en l’espèce, une instruction ministérielle du 5 décembre 2005 a « presque entièrement » abrogé les dispositions critiquées pour les remplacer par des dispositions entièrement nouvelles, rendant dans cette mesure la requête sans objet. Néanmoins, cette instruction a laissé en vigueur les dispositions relatives à l’interdiction de divulgation de la localisation des disséminations volontaires d’OGM et dès lors elle n’a pas pour effet de priver d’objet les conclusions du requérant.
NB:vérification faite cette circulaire ministèrielle du 5 décembre n’est elle-même pas publiée sur circulaire.gouv.fr et doit donc être considérée, elle-aussi comme abrogée depuis le 1er mai 2009!
- puis, appliquant le décret du 8 décembre 2008 il constate que l’instruction non écrite « ne figure pas sur le site Internet relevant du Premier ministre créé en application de l’article 1er du décret du 8 décembre 2008 » et donc, en application de l’article 2, elle doit être regardée comme abrogée à compter du 1er mai 2009, étant donné que les dispositions réglementaires n’ont pas été reprise par ailleurs.
Le recours étant privé d’objet par cette abrogation, il n’y a pas lieu à statuer sur les conclusions aux fins d’annulation du refus d’abrogation.
On regrettera que le Conseil d’Etat n’ait pas saisi l’occasion pour préciser la notion de “disposiitons dont la loi permet de se prévaloir”, ajoutée in extremis à l’article 2 du décret de 2008, probablement en référence à l’article 7 de la loi du 17 juillet 1978 et qui permet de sauver des circulaires et instructions ministériels de la nuit de la St Barthélemy des circulaires ministérielles le 1er mai 2009 (”Ce 1er mai 2009, débarrassez-vous de vos vieilles circulaires désormais abrogées“, CPDH 1er mai 2009). le cas d’espèce est très spécifique puisqu’il porte sur une instruction non écrite et sur une circulaire “réglementaire”. Qu’en sera-t-il pour des disposition impératives?
S’agissant du second refus, il résulte d’une décision de la Cour de justice (CJCE 17 février 2009, C-552/07, Commune de Sausheim c. Pierre Azelvandre, Lettre actualités droits-libertés, du 22 février 2009 et CPDH, 27 février 2009 ; CE, 21 novembre 2007, Commune de Sausheim, n° 280969 : Actualités droits-libertés du 4 janvier 2010 et CPDH 5 janvier 2010), que ces informations sont « communicables de plein droit, sur simple demande, sans aucune restriction » et que « ni les exceptions prévues par la directive sur l’accès aux données environnementales, ni l’invocation des risques d’atteinte à l’ordre public, ni aucun autre texte ou principe », ne peut limiter ce droit. Le ministre est donc tenu de communiquer à toute personne qui en fait la demande.
Néanmoins, estime le Conseil d’Etat, en l’espèce, constitue une « modalité de diffusion des informations » - qui ne méconnaît pas les obligations de communication - la circonstance que depuis l’année 2000, cette information ne soit plus accessible qu’auprès du ministre et non des maires des communes concernées. La demande d’annulation est donc rejetée.
CE, 16 avril 2010, M. Azelvandre (N° 279817), aux tables