ans son dernier numéro (d’avril 2010), le magazine research-eu, publication européeenne dédiée aux projets européens de recherche, propose un éditorial désespérément consensuel : la médiation des sciences lui ferait du bien.
L’expression des sciences dans les médias, selon les chercheurs, souffre d’une simplification, parfois outrancière, qui ne permet pas de rendre compte des avancées du savoir. Parfois il y a des erreurs. Parfois c’est encore pire. Le chercheur ne supporte pas que son travail soit travesti pour faire du papier. J’imagine que les journaux féminins sont en tête -moi qui ai publié mon travail de doctorat dans Femme Actuelle, un encadré de 10 lignes pour une thèse de 300 pages, j’en sais quelque chose – puis viennent les journaux de vulgarisation « pure », genre Science et Vie et Science et Avenir – eux ne chôment pas sur l’exagération – et enfin, les magazines et journaux quotidiens.
En s’appuyant sur une interview de Mr Rajendra Kumar Pachauri sur le site SciDev, le rédacteur en chef du journal indique que le travail des chercheurs du GIEC n’aurait jamais eu un tel impact sur l’opinion publique s’il n’y avait pas eu une médiation si importante. Pour lui, cet argument montre que les chercheurs devraient accepter plus facilement la médiation de leur recherche dans la presse.
Mais … il oublie que cet effet fut double : si la médiatisation des résultats des travaux du GIEC a effectivement donné lieu à une sensibilisation du public (avec sa cohorte de peurs, d’inexactitudes, de rumeurs), il a également permis, du moins en France, de placer le débat scientifique sur la place publique. Nous avons vu alors comment se passe le débat, et en partie une controverse scientifique : coup bas arguments factieux, rhétoriques plus qu’approximatives. Les chercheurs ont besoin de la médiation de leur recherche, mais en même temps, leurs débats sont également éclairés par les projecteurs.
L’histoire médiatique des controverses scientifiques montre pourquoi. L’instrumentalisation des médias par la communauté scientifique est habituelle dans ces périodes de débat. Elle imagine que c’est celui qui parle le plus fort qui aurait raison … et elle n’a pas forcément tort. Mais cette position est à double tranchant, il suffit de se rappeler l’histoire de la fusion froide ou de la mémoire de l’eau.
Quant à la médiascience – quel néologisme heureux -, elle oublie un peu trop qu’il suffit d’un peu de sensationalisme, de peurs sous-jascentes, de chercheurs charismatiques, pour l’attirer. Décider si ces gens disent vrai ou faux est certes possible, mais difficile en période de controverse. Sans pour autant arrêter de médier, elle devrait trouver de nouvelles stratégies pour raconter le travail de recherche en cours, en débat.