Le film raconte l'histoire d'un ado fan de comic books qui décide de devenir lui-même un super-héros combattant le crime et faisant régner la justice dans les rues de New-York. Son désenchantement sera bien évidemment à la mesure de sa motivation, jusqu'au jour où il découvre que de veritables super-héros ont déjà investi la ville.
Film au post-modernisme clairement affiché, Kick-Ass se révèle cependant extrêmement respectueux de ses inspirations et du substrat mythologique sur lequel il repose. En effet, loin du cynisme qui contamine nombre de films de genre se voulant inspirés mais ne constituant que des sous-ersatz de leurs modèles, témoignant ainsi d'une prétention et d'un manque d'humilité non-feints, le film de Vaughn se révèle au contraire une oeuvre à la fois référentielle mais également doté d'une identité propre et d'un ton véritablement unique.
Multipliant les références aux films de super-héros (Batman, Spiderman, notamment), glissant ça et là des clins d'oeil cinéphiliques totalement intégrés au métrage (Taxi driver, entre autres, mais aussi Pour une poignée de dollars, lors d'une scène totalement jubilatoire utilisant la musique qu'Ennio Morricone composa pour le film de Leone), le metteur en scène parvient à intégrer au film son matériau référentiel sans jamais que ce dernier ne vampirise le récit.
Le traitement de l'histoire, naviguant entre l'action pure et une émotion réellement bouleversante, possède un caractère transgressif proprement incroyable pour ce type de métrage. Ainsi, l'on verra un père (Nicolas Cage, que l'on ne pensait plus capable d'une telle performance) tirer au revolver sur sa fille de 11 ans pour tester son gilet pare-balles, ou encore cette dernière en extase devant l'arme blanche que son père lui a offert pour son anniversaire. Par ailleurs, le film est parsemé de scènes d'une violence inouïe pour un film estampillé tout public: les corps explosent littéralement, le sang gicle à tous les étages, les membres sont coupés en deux, un homme est broyé dans sa voiture, en un mot, la censure devait être atteinte de cécité à la vision du film, pour notre plus grand plaisir.
Ce caractère subversif est renforcé par le fait que nombre de ces exactions sanglantes (voire gores) sont perpétrées par une fillette haute comme trois pommes, interprétée par l'incroyable Chloé Moretz, dont le personnage de Hit Girl mériterait un film à lui tout seul. La jeune actrice fait des merveilles dans son incarnation d'une fillette avide de vengeance, dépeçant tout sur son passage. Les scènes dans lesquelles son personnage se livre à un massacre en règle possèdent un caractère d'une force galvanisante telle que l'on a envie de se lever de son siège et de tout casser avec elle. A l'image de cette scène incroyable, mêlant émotion pure et action intense, dans laquelle Hit Girl débarque dans un hangar infesté de malfrats pour sauver son père. La mise en scène de Matthew Vaughn, remarquable, alterne des ralentis d'une beauté qui donne le frisson à des plans hérités des jeux vidéos (le point de vue FPS), dans un déluge de violence frontale et de jusqu'au boutisme véritablement jouissifs.
Par ailleurs, le film développe un propos sur la notion d'héroïsme et sa présence dans le quotidien (en chacun de nous se trouve un héros), comme avait également pu le faire Spider-Man 2 au détour d'une séquence. D'autre part, Kick-Ass dessine un arc autour de la mythologie des super-héros: au début du film, la vie s'inspire des comic books (geek attitude, personnages de Hit Girl et Big Daddy, personnage de Kick-Ass). A la fin, ce sont les comic books qui s'inspirent de la vie, ce qui a finalement toujours été le cas, de tous temps. La boucle est ainsi bouclée, et la mythologie s'en trouve de facto renforcée.
Au final, et malgré une ou deux petites baisses de rythme, Kick-Ass constitue un film d'une transgression et d'une subversion salvatrices en ces temps de pensée unique et de consensualisme généralisé, tout en s'avérant extrêmement touchant et totalement jubilatoire.