reportage : Tremblay sous haute surveillance

Publié le 30 avril 2010 par Letombe

reportage

Théâtre d'un très médiatisé coup de filet en mars, la ville de Seine-Saint-Denis devient le laboratoire de la lutte anti-drogue voulue par Sarkozy. Les habitants, eux, sont sceptiques.

Depuis le 29 mars et la saisie de près d’un million d’euros lié au trafic de drogue chez un habitant de la cité du Grand-Ensemble, Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) n’en finit pas d’être au cœur de toutes les attentions. Prochainement, la secrétaire d’Etat à la Ville, Fadela Amara, devrait recevoir une délégation de Tremblaysiens composées de jeunes et d’associations pour faire le point.

Il y a un mois, la descente de police a eu lieu le matin de la diffusion d’un reportage de TF1 consacré au trafic de drogue dans cette cité. Les jours et les semaines suivantes des bus ont été vandalisés, poussant leurs chauffeurs à exercer à deux reprises en trois semaines leur droit de retrait. Il ont repris le travail mercredi dernier. Le 20 avril, Nicolas Sarkozy en personne s’est déplacé pour leur apporter son soutien. L’occasion pour lui de ressortir ses habits de campagne sur le thème sécuritaire: «Tous les jours, il y aura des actions de police contre les trafiquants… Aucune commune, aucun quartier, aucun hall d’immeuble de Seine-Saint-Denis n’échappera à l’autorité de la loi.»

Dans la cité du Grand-Ensemble, l’atmosphère reste pourtant plutôt paisible. Sur la grande place des Droits de l’homme qui jouxte la mairie, des habitués prennent leur café en terrasse et ne comprennent pas vraiment pourquoi leur ville est sous le feu des projecteurs. «La seule chose qui a changé c’est que maintenant il y a des flics partout», lance un homme attablé.

«Se concentrer sur le démantèlement de filières»

En plus des voitures escortant les bus, plusieurs véhicules sillonnent le quartier. Une présence jugée rassurante par certains habitants mais qui est loin de faire l’unanimité. «Ca n’apaise rien. Tous les jours il y a des accrochages. C’est parce qu’ils sont là que les jeunes font leurs malins et s’en prennent aux bus», lâche un père de famille.

Des propos en écho avec une interpellation musclée qui s’est déroulée le 14 avril et a été filmée par des jeunes habitants. Le lendemain, trois bus étaient vandalisés.

Pourtant Fadela Amara avait assuré quelques jours plus tôt: «Les bus brûlent parce que nous sommes en train d’éradiquer l’économie parallèle, les trafics de drogue.» Une corrélation loin d’être évidente d’autant que dans le hall des six immeubles concernés par le trafic de stupéfiants à Tremblay, ni la présence policière, ni les déclarations présidentielles ne semblent avoir fait fuir les dealers.

«Le jour de la descente, dès midi, ils étaient en train de faire leurs affaires et encore c’est parce qu’avant ils dormaient», assure une habitante. Seul changement notable, les clients alertés par le ramdam se font moins nombreux et plus discrets. Une façon détournée de saper le trafic qui ne manque toutefois pas d’interroger: comment l’activité peut-elle se poursuivre au vu et au su de tous? Pour un policier sous couvert d’anonymat, la réponse est claire: «On préfère se concentrer sur le démantèlement de filières plutôt que d’interpeller des petits trafiquants en possession de presque rien.»

Marwan Chahine

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