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Cela partait d'une bonne intention

Publié le 30 avril 2010 par Didier54 @Partages
Quand elle a appris la nouvelle, elle a sauté sur son téléphone. Composé le numéro. Appelé. Pour dire qu'elle était là. Cela faisait partie de son existence, finalement. Elle s'y confondait parfois, frontières flottantes.
Martine avait toujours été de ces gens qui baignent dans le malheur des autres.
Toujours.
Quelqu'un dans le canton traversait une épreuve ? Elle prenait connaissance d'une maladie ? Apprenait un décès ? Elle sautait sur son téléphone, composait le numéro, offrait mots de réconfort et oreille attentive. Se fendait parfois de courts textes, qu'elle acheminait par la poste. Dans les grandes émotions, c'étaient carrément des poèmes.
On ne la comprenait pas toujours, l'assemblage des mots avait ceci de curieux qu'il confinait au silence lorsqu'on les recevait, comme s'ils s'étaient trompés de sens, ou comme si trop triturés, agencés, placés, déplacés, ils avaient fini par s'éteindre, ou s'essouffler. Mais c'était quelques fois appréciable même si ça ne durait pas. Passaient les gens. D'autres surgissaient.
Dans la même veine, les gens qui souffraient ou étaient exclus trouvaient chez elle un gîte disponible. Un accueil. Pour les fêtes, il lui arrivait souvent de convier à sa table l'âme esseulée, l'isolé de service, l'abandonné de tous, l'oublié des uns.
Parfois, elle donnait du conseil.
Elle invoquait le hasard, convoquait la malchance, comme si le malheur se vendait en poudre.
Elle attendait ensuite la suite.
Toujours, cela partait d'une bonne intention.
Toujours.
Sa solitude la minait.

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