Le pape est en ce moment attaqué de toute part. Le scénario est simple comme un épisode du Da Vinci Code : la presse révèle peu à peu des crimes pédophiles « commis par l’Église », qu’un pape fourbe et dissimulateur, extérieurement intransigeant, mais secrètement informé et complice, Benoît XVI, a silencieusement couverts, comme l’un de ses prédécesseurs, Pie XII, avait couvert de la même façon les crimes des nazis.
Ceci devrait rapidement, on le sent bien en filigrane derrière les articles de la presse et le procès à
charge monté comme une pièce de théâtre, avoir un effet dévastateur sur l’Église, pour la « punir » de son orgueil, de son refus forcené de « s’adapter au monde », et de sa propension
insupportable à donner des leçons à tout le monde, alors qu’elle est « fautive » au premier chef.
La presse, intelligemment, met ostensiblement l’accent sur la « gêne » des catholiques, ce qui est supposé enfoncer le coin entre les fidèles et leur hiérarchie. En réalité, ce n’est pas cela qui
a l’air de se produire, mais plutôt un resserrement du « troupeau » derrière ses pasteurs, écœurés qu’il est par la violence et l’injustice de ces attaques, l’amalgame qui est fait entre l’Église
en général et quelques brebis galeuses, au demeurant bien moins nombreuses statistiquement par rapport à l’ensemble de la communauté des prêtres qu’il n’y a de pédophiles dans la société en
général, et par le fait que c’est précisément Benoît XVI qui a fait en sorte que l’on ouvre largement les dossiers.
Cela, chacun le sait aujourd’hui. Cette stratégie médiatique « cousue de fil blanc » est assez claire pour tous ceux qui veulent bien regarder au-delà du bout de leur nez.
Une société contre l’enfant
Ce qui est en revanche moins clair, ce sont les motivations profondes de la presse et des groupes de pression qui, derrière eux, poussent au procès. Il est un peu facile, même si c’est assez
souvent vrai, de simplement invoquer un « anticléricalisme primaire » qu’aurait pour l’Église et les croyants une société largement sécularisée. Il y a plus profond que cela. Cherchons.
Ce qui paraît étonnant, et même ahurissant, c’est le fait que ces attaques contre une Église « pédophile » proviennent d’une presse et plus généralement d’une société qui sont elles-mêmes
totalement « pédophiles ». Expliquons-nous.
D’abord, nous autres chrétiens savons bien que la société n’a pas grand chose à faire de l’enfant. C’est facile à prouver.
Que l’on puisse restreindre le débat sur l’avortement au simple « droit de la femme à disposer de son corps », sans même admettre l’évidence que le corps qu’elle porte en elle, lorsqu’elle est
enceinte, n’est pas le sien, que l’on fasse dépendre la vie ou la mort de cet être d’un « projet parental » subjectif, comme s’il était possible de disposer de la vie ou de la mort d’autrui
simplement par ce que l’on a ou non un « projet de vie » pour lui, que l’on refuse dans ce domaine le « principe de précaution » que l’on applique partout ailleurs avec tant de scrupules, que
l’on maintienne mordicus une monstruosité intellectuelle pareille depuis trente-cinq ans, en célébrant ses anniversaires et en encensant sa « prophétesse », tout cela montre bien que
l’enfant, dans tout cela, est véritablement la dernière personne dont on se préoccupe. La société n’est même pas « pédophile », elle est carrément « pédocide », infanticide.
Mais si l’on se place sur le plan de la sexualité elle-même, force est de constater que la société est aussi, et c’est lié, totalement pornographique. Celle-ci la ronge aujourd’hui comme un
cancer, elle est présente partout : sur les affiches, dans les journaux (articles, photos, et même annonces « de charme » parfaitement explicites), dans les films évidemment, dans presque toutes
les publicités, à la TV, y compris dans les blagues particulièrement salaces des journalistes et amuseurs, dans les rues et les bois de nos grandes villes, et ne parlons pas évidemment
d’internet. La pornographie est tellement présente dans notre société que d’une certaine façon, nous avons appris à « faire avec », même si elle nous révulse à chaque fois.
Or une société pornographique est une société pédophile.
En effet, quelle barrière, quelle protection notre société a-t-elle voulu ou a-t-elle érigée pour que nos enfants ne soient les premières victimes de ce déferlement, de ce qu’il faut bien appeler
une « pédophilie passive », omniprésente, aussi dégoûtante et destructrice que la « pédophilie active » des obsédés sexuels que l’on dénonce ? Aucune, bien entendu. Les efforts de quelques uns,
très peu nombreux, parmi nos politiques, pour protéger nos enfants sont vains, ceux qui veulent agir dans ce sens sont brocardés comme les pères ou mères « la vertu »… Ça, ce n’est pas de la
pornographie, c’est de l’érotisme, ça « fait partie de la vie ».
Et si une protection doit être mise en place, dit-on, elle doit être, selon le sacro-saint principe de liberté, le fait de l’initiative privée (contrôles parentaux TV ou internet par exemple),
comme s’il était possible d’éviter toute la cochonnerie qui nous tombe dessus uniquement en faisant du slalom, et en détournant le regard. Il n’y a plus beaucoup d’endroits où l’on peut encore
regarder…
Pourtant, ce sont bien nos enfants qui sont les premières victimes. Alors, deux poids, deux mesures ? Si ce sont des prêtres qui détruisent nos enfants par la « pédophilie active », ce sont des
monstres, il faut les clouer au pilori, et le pape avec, si ce sont des journalistes et des lobbies qui font de même par une « pédophilie passive » non moins nocive, il faut au contraire louer
leur « modernisme » face à la société arriérée que nous défendons…
Un positionnement héroïque
Ces réflexions permettent d’éclairer un peu mieux le fond de la question, et la raison profonde de ces attaques. En réalité, il n’y a pas plus de pédophilie, active ou passive, dans l’Église
qu’ailleurs, il y en a même beaucoup moins.
Et c’est même encore mieux que cela : par le comportement exemplaire des prêtres, célibataires volontaires dans un monde de sexualité débridée, par l’exemple de vie fidèle et d’éducation de
grande qualité donnée en toute modestie par tant de parents catholiques, par le choix délibéré de nos politiques catholiques d’accepter d’être isolés et caricaturés par leurs pairs, par le
courage du Pape, seul à « ouvrir les dossiers » spontanément dans son institution, alors que toutes les autres font tout ce qu’elles peuvent pour les garder fermés, l’Église, autant par sa
hiérarchie que par ses membres, se positionne clairement comme héroïque. Elle donne aux hommes de son temps, précisément sur la question de la sexualité, un exemple d’excellence, de
vérité et de lumière, un modèle à suivre face à un monde qui choisit délibérément les ténèbres et l’ambiguïté.
La Passion selon Benoît XVI
Cette démarche d’authentique sainteté est incarnée au premier chef par le pape, qui vit en cela, précisément, à l’image du Christ son modèle et Seigneur. La société est profondément pédophile. Le
pape le dénonce en faisant face héroïquement, et en faisant pourtant pénitence, et en cela, il est un saint. C’est cela la réalité et bien sûr, c’est insupportable.
La presse copie et anticipe donc les réactions supposées de la foule : comme dans des circonstances analogues, il y a 2000 ans, Benoît XVI doit subir son procès. Il doit être flagellé par la
critique, couronné d’épines par l’humiliation et la moquerie, et si possible, cloué à la croix d’infamie, et mis à mort symboliquement, idéologiquement et politiquement.
Si l’on regarde bien, c’est exactement ce qui se passe.
Benoît XVI sait tout cela parfaitement. Le décor est monté. Le bouc émissaire est à sa place, les « chefs des prêtres » et la foule aussi. Ses quelques amis n’ont pas encore fui. Les choses se
passent presque exactement « comme l’autre fois ».
C’est pourquoi nous le voyons si serein.
29 Avril 2010 | François Martin
libertepolitique.com