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Messe en si par Suzuki : monumental

Publié le 02 décembre 2007 par Philippe Delaide

Masaaki Suzuki et le Bach Collegium Japan procèdent à un intermède de taille dans l'intégrale des cantates de JS Bach qu'ils ont engagée déjà depuis près de dix ans pour le label BIS. Tout simplement l'oeuvre la plus imposante et emblématique du cantor : la Messe en si mineur.

Là encore le chef japonais nous éblouit par sa maîtrise absolue du texte. Cette nouvelle version d'une oeuvre aussi majeure et tant de fois écoutée, trouve le moyen de bouleverser tous les schémas précédents. Les options esthétiques de Masaaki Suzuki, qui nous ont déjà permis de révéler avec une simplicité étonnante toute la splendeur des cantates, sont tout aussi efficaces sur la Messe en si.

Le choix d'une grande clarté polyphonique, d'une tension de la ligne plus suggérée par un tempo assez étiré que par de grands effets, la netteté des motifs permettent de revenir à l'essentiel à savoir tout le propos mystique et la transcendance de cette messe.

Le chef japonais a porté un soin particulier à la qualité du choeur, pilier fondamental de cette messe qui, comme pour les Vêpres de la Vierge chez Monteverdi, constitue une forme de synthèse fondamentale de toute la musique sacrée écrite par JS Bach.

Dès le "Kyrie Eleison" d'introduction, soutenu sur ses 10'33", Masaaki Suzuki marque son empreinte sonore, engageant l'auditeur dans un contrepoint infini, comme une mise en abyme du motif principal.

La clé de voûte de cette version, à savoir le recentrage sur la netteté des plans sonores et une grande transparence, permet de révéler les racines de certaines parties de cette messe. La façon dont le chef japonais interprète le "Et in terra pax" rappelle inévitablement les grandes messes polyphoniques de la renaissance tardive. A noter également l'enchaînement saisissant et d'une intelligence rare du duo "Domine Deus" avec le choeur du "Qui Tollis peccata mudi".

Lien direct vers l'écoute de l'intégralité du Quit tollis, disponible sur le site du label BIS (ses similitudes avec le Requiem de Mozart sont étonnantes...).

Le sommet de cette messe et incontestablement le Credo (Symbolium Nicenum) avec un "Credo in Unum Deum" à la rythmique incroyable, intemporelle, un "Et incarnatus est" qui évoque avec une évidence flagrante les messes mozartiennes.

Les attaques du choeur sont parfaitement maîtrisées, les effets et la théâtralité des versions antérieures évités. On s'était habitué à une posture trop solennelle et emphatique de la part de chefs précédents. Masaaki Suzuki concentre le propos sur la révélation de la puissance intrinsèque de cette musique et qui n'a nullement besoin que l'on force le trait.

Ainsi la grandeur de cette version repose sur une simplicité apparente qui est en fait le fruit d'un travail approfondi sur les ressorts rythmiques et harmoniques de cette messe, pour en révéler toute sa puissance avec le plus de densité possible. Cette fidélité absolue au texte porte ses fruits car elle fait le pari réussi qu'en le servant au mieux, elle révèle toute la richesse de l'écriture musicale de JS Bach.

Cette version demande plus d'une écoute pour en saisir toute la richesse. Si on devait la comparer avec les versions précédentes (y compris celle de Richter qui aurait visiblement le plus influencé Masaaki Suzuki), et pour reprendre une référence architecturale, c'est un peu comme si on passait du gothique flamboyant à la plus pure et émouvante des églises romanes, qui peut tout autant, voire plus, émouvoir par la pureté de sa ligne.

Seul petit bémol que j'avais déjà évoqué sur les cantates dirigé par le même ensemble : le quatuor de solistes dont on aurait rêvé qu'il soit aussi convaincant que l'orchestre et le choeur. La seule exception est bien-sûr la soliste anglaise Carolyn Sampson que je tiens vraiment pour la meilleure soprano actuelle sur le répertoire de la musique vocale. Elle le confirme à nouveau dans son duo avec l'excellent ténor Gerd Türk ("Domine Deus"). Sa voix cristalline et aérienne est vraiment magnifique et sa musicalité indéniable (cf. notes du 1er septembre 2006 et du 22 mai 2007 consacrées à cette chanteuse).

Lien direct vers le site BIS pour plus de détails sur ce coffret.

JS Bach - Messe en si mineur - Collegium Japan - direction Maasaki Suzuki - label BIS.


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