L’édito est suffisamment explicite : "En 30 ans, l’Asie a repris légitimement sa place sur l’échiquier mondial. Aujourd’hui, trois humains sur cinq sont asiatiques. (…) Mais ce dynamisme a aussi ses revers (…) nous devrons, tous ensemble, relever les défis du réchauffement climatique, de la pénurie d’énergie et de matières premières, de la raréfaction de l’eau et de la protection de notre environnement."
C’est donc des bouleversements politiques, économiques, sociaux et culturels du monde asiatique, mais aussi des rapports entre la civilisation asiatique et notre civilisation occidentale et européenne, que traite ce magazine plutôt convaincant.
Son principal mérite est d’envisager l’Asie dans sa globalité, plutôt que sectoriser tel ou tel pays. Il est vrai que ce type de publication manquait, car jusqu’ici les journaux et revues préféraient "cibler" une seule nation, comme par exemple le Japon.
Allez, quelques petites choses que l’on apprend à la lecture du n°1 d’Asia Magazine.
Dans l’article "Comprendre la Chine d’aujourd’hui", le chercheur Jean-Luc Domenach livre son analyse du "miracle chinois" : "je suis de ceux qui estiment que le danger en Chine, aujourd’hui, n’est pas politique, mais d’abord économique (…) l’économie triomphante est fragile. Et de là, pourrait naître une crise de nature politique (…) le rythme de croissance pourrait diminuer après l’Exposition Universelle de Shangai en 2010. Cette baisse pourrait remettre en question le contrat liant le Parti à la population et provoquer de graves problèmes sociaux."
Intéressant aussi, cette "guerre" territoriale entre Pékin et Shanghai : "Les dirigeants en ont assez de Shanghai. (…) A Pékin, on ne supporte plus la faction shangaienne. (…) Pékin-Tianjin devrait former une mégalopole. Et c’est assez compréhensible, pour un pouvoir qui veut rétablir son autorité. Il cherche à se doter d’une vraie capitale, à la fois économique, politique, financière, portuaire. (…) Hong Kong et Shanghai se défendent bien, elles garderont en partie leurs prérogatives. Mais il n’y a pas de doute le pouvoir parie sur la formation d’une mégalopole au nord."
Justement, un autre article du magazine traite de Shanghai. Est décrite une ville qui cherche à retrouver son lustre des années 30, à l’époque des "années folles" où elle était sous influence occidentale. Sur la rive est du fleuve Huangpu, ce sont les buildings de Pudong, sorte de Manhattan dédié aux affaires ; sur la rive ouest, en revanche, le gouvernement local "a décidé de ressusciter les immeubles mythiques du Shanghai des concessions" et souhaite "rassembler le nec plus ultra du luxe international". Entre essor galopant de la mode, des clubs et des galeries d’art contemporain, sans oublier les lieux underground, Shanghai est la ville "in" du moment.
Dans un papier consacré au Japon, Anne Garrigue évoque la dichotomie persistante, chez les femmes japonaises, entre foyer et business : "Les Japonaises d’aujourd’hui ont beau être aussi formées que les hommes, elles continuent en majorité à renoncer à leur carrière professionnelle pour la vie familiale."
Autre particularité de la condition féminine au Japon : "l’écart entre salaires masculins et féminins qui se creuse avec la multiplication des offres de travail à temps partiel. (…) A horaires et postes comparables, elles touchent deux tiers du salaire de leurs homologues masculins."
Et puis pour noircir encore un peu plus le tableau : "Le partage des tâches ménagères est toujours un problème. Une demi-heure pour les hommes, alors que les femmes y consacrent trois heures en moyenne quotidiennement."
Il semble que, pour les femmes, le Japon soit encore pire que la France !
Mais Asia Magazine ne propose pas que des articles d’actualité à prétention sociologique ou politique : ainsi, une analyse sur la modernité de Confucius ou bien encore une exploration du Musée Guimet (Musée national des Arts asiatiques), qui propose actuellement une exposition intitulée "De l’Inde au Japon".
Bref, voici une publication assez intéressante et qui a le mérite d’être alimentée par des spécialistes de la culture asiatique, dont plusieurs résident sur place. Je ne saurais trop la conseiller à mes lecteurs.