Les roux, c’est comme les blonds : on a tous au moins un jour fait une blague moisie sur leur compte. A la différence près que les blonds, censés être peu futés, n’en incarnent pas moi un certain idéal de beauté. Les roux, eux, semblent n’avoir absolument rien pour eux. Certains pensent mêmes qu’ils puent. Aux États-Unis, en novembre dernier, on est allé jusqu’à organiser un “Kick a Ginger Day” (littéralement “Journée nationale : tape un rouquin”).
Romain Gavras lui va plus loin, et les fait exploser. Après celui qu’il avait réalisé pour Justice, le fondateur de Kourtrajmé nous a servi en début de semaine un autre ses de clips à base d’ultra-violence dont il a le secret. La vidéo a d’ailleurs été rapidement censurée par Youtube. On y voit une police américaine, fascisante à souhait, entasser des individus dans un bus avant de les emmener courir sur un champ de mines. Ces gens auraient pu être de n’importe quel clan, race ou religion, mais Gavras a choisi les roux. Histoire de souligner un peu plus l’absurdité de la chose, et accessoirement d’annoncer son prochain film : Redheads.
Que l’on soit d’accord ou non avec ce remake personnel de Punishment Park , ce clip souligne une chose : il y a une forme, même diffuse, de discrimination envers les roux. Il n’y a qu’à faire un tour du web pour s’en rendre compte : sur la toile comme ailleurs, flotte toujours dans l’air comme un parfum de d’anti-roussisme. Pareil dans littérature ou le cinéma : le roux est tour à tour moche (Quasimodo), délinquant (pensez au roux des Choristes, par exemple), souffre-douleur (Poil de carotte) ou tout simplement fou. Quelle couleur a donc choisie Tim Burton pour les cheveux du Chapelier Fou, dans Alice au pays des merveilles ?
Alors, comme le préconise 20 Minutes, faut-il “sauver les roux” ? Non. Un roux, ça peut aussi être bankable. Il n’y a qu’à prendre l’exemple de Lily Cole, qui a su taper dans l’œil de Terry Gilliam. Une rousse pulpeuse qui n’est pas sans rappeler une certaine Jessica Rabbit… Preuve que le roux peut aussi être attirant. Ne vous attendez cependant pas à ce que je vous sorte un truc du genre “redhead is sexy“, “c’est le retour des roux”, “la roux tourne” et autres prédictions à base de jeux de mots foireux. La vérité, c’est que les roux ont toujours été là.
Bien sûr il y a ceux que l’histoire aura déjà retenus, comme Mark Twain, Ron Hubbard, Winston Churchill ou Vincent Van Gogh. Mais côté musique, les roux se défendent aussi. Prenez Brett Dennen et sa musique pop, par exemple. En 2007, le magazine Rolling Stones considérait ce jeune blanc-bec comme l’un des dix chanteurs à ne pas perdre de vue. Dernièrement, on pouvait aussi compter sur La Roux et son alter ego de Florence and the Machine pour défendre leurs couleurs.
A la mode les roux ? Pas vraiment. En remontant le temps, on en trouve plein d’autres. Mais si, souvenez-vous, c’était en 1984 : les Bronski Beat cartonnaient avec Smalltown Boy (remixé à maintes reprises depuis), et Jimmy Somerville s’érigeait en icône de la communauté gay.
Et il est loin d’être le seul. Dans un style plus percutant, il y bien sûr Johnny Rotten, le leader des Sex Pistols, ou le personnage fantastique incarné par David Bowie : Ziggy Stardust.
Et les Français dans tout ça ? Hé bien il y a Larusso… non on déconne, d’autant plus que c’est une fausse rousse (vous me direz David Bowie aussi, mais bon passons). Dans l’hexagone, on préférera plutôt Mathias Malzieu, le chanteur de Dionysos. Avis aux âmes sensibles cependant : dans cette vidéo,sa coupe de cheveux pique les yeux.
On ne se risquera pas trop en analyse pseudo-sociologiques sur la manière dont le fait d’être - même légèrement - ostracisé pourrait renforcer votre caractère, votre sentiment de révolte et du coup vos envies créatrices. Le constat est là : les roux n’ont pas besoin de nous.