Quand j'ai écrit mes deux articles, je ne connaissais pas toutes ces pièces. Mais il suffisait de lire l'article ici qu'UW avait publié, dans Le Nouvelliste, le 14 mai 2009, qui était à l'origine de l'affaire, pour se rendre compte que le procès fait à UW était un procès en sorcellerie.
En effet de deux choses l'une : ou les instigateurs de l'affaire ne savaient pas lire, ou ils déformaient volontairement la pensée de l'auteur de la chronique. Dans l'un et l'autre cas ce n'était pas bien glorieux de la part de personnalités considérées comme éminentes.
En résumé Uli Windisch était accusé de s'être prévalu de son autorité de professeur de sociologie à l'Université de Genève, Unige, pour diffamer le socialisme en général et le sacro-saint Parti Socialiste Suisse, PSS, en particulier, et accessoirement les Verts, que l'on sait verts à l'extérieur et rouges à l'intérieur, comme les pastèques, selon la formule politiquement incorrecte d'un homme politique français diabolisé.
Qu'avait dit UW pour mériter pareille accusation ? Dans sa chronique il avait commencé par un constat. Les socialismes se donnent pour mission de changer les hommes. Quand cela ne marche pas - ce qui est invévitable - leurs affidés s'en prennent aux Autres à qui ils font porter la responsabilité de leur échec et généralisent, j'ajoute, comme d'autres font des ronds dans l'eau.
Pour illustrer son propos UW prenait l'exemple de Peer Steinbruck, le Ministre allemand des finances de l'époque. Les finances de son pays allaient mal, et vont d'ailleurs toujours mal. Il en rejetait la responsabilité sur ces criminels de Suisses et leur fichu secret bancaire.
Le procédé était rien moins qu'élégant. UW montrait dans sa chronique ce que cela donnerait si l'on employait le même procédé à l'égard des Allemands en leur rappelant, à propos de criminalité, les heures les plus sombres qu'ils avaient infligées, au XXe siècle, à l'ensemble du continent européen.
A la fin de sa chronique UW se posait la question de savoir s'il fallait recommander de voter encore pour les Socialistes ou les Verts, puisqu'ils défendaient aussi mal le pays quand il était attaqué, notamment sur le secret bancaire, par leurs coreligionnaires étrangers.
Cette chronique devait déclencher des réactions de la part de certains socialistes "aux bas instincts", ceux justement visés par la chronique d'UW. Il avait fait mouche en quelque sorte puisqu'il les faisait sortir du bois.
Le vice-président du PSS, Stéphane Rossini, intervenait cinq jours plus tard sur le Forum des lecteurs du Nouvelliste. Il y faisait un inventaire à la Prévert des termes employés par UW, accusait UW à partir de cet amalgame de faire des "amalgames ignobles", écrivait que les propos d'UW relevaient de "la pure malhonnêteté intellectuelle" ce qui justement ...caractérisait sa réponse.
Deux jours encore plus tard Christian Levrat, président du PSS, prenait sa plus mauvaise plume pour écrire à UW, en reprenant les mêmes arguments fallacieux, en exigeant des excuses et en envoyant copie au Recteur de l'Unige, Jean-Dominique Vassali.
Parrallèlement le même Levrat, décidément en veine, écrivait une lettre au Conseiller d'Etat genevois, Charles Beer, socialiste comme lui, chargé du Département de l'instruction, lettre dont on ne connaît pas la teneur mais à laquelle il est fait allusion dans une réponse à Levrat faite parVassali et où il est vraisemblable qu'il exerçait une pression amicale.
Dans cette réponse, envoyée en copie à UW, Vassali se dit "très choqué par les propos" d'UW et souhaite solliciter le Comité d'éthique et de déontologie de l'Unige, "préalablement à toute intervention" :
"Connaître sa position me sera très utile pour déterminer les mesures à prendre".
Cette intervention de socialistes pour entraver la liberté académique d'un professeur était l'illustration même de ce qu'UW dénonçait dans sa chronique, à savoir qu'il est impossible à quelqu'un qui veut changer les hommes pour leur plus grand bien d'admettre que quelqu'un d'autre puisse penser autrement et qu'il ait seulement le droit de s'exprimer, d'où la tentation totalitaire dénoncée en son temps par le regretté Jean-François Revel.
S'il n'y avait pas eu médiatisation de cette affaire, où la liberté académique était en cause, il est vraisemblable qu'UW aurait été sanctionné, la sanction pouvant aller jusqu'à son exclusion de l'Unige. Or cette médiatisation a été rendue possible par des articles de Pascal Décaillet, relayé par des articles de Philippe Barraud.
L'habileté de Pascal Décaillet aura été de comparer UW à Jean Ziegler qui, en dépit de tous ses écarts, n'a jamais été sanctionné. Certes la comparaison avec JZ n'était guère flatteuse pour UW, mais elle s'est avérée payante.
Le la était donné. Petit à petit toute la presse romande s'est emparé de l'affaire UW. Il ne devenait plus possible de sanctionner UW, sinon mollement, hypocritement, en évitant de trop lourdes conséquences qui auraient été funestes pour la réputation de l'Unige bien entamée.
C'est dans cet esprit que le Comité d'éthique et de déontologie de l'Unige devait finalement émettre un mol avis, sur lequel le Recteur Vassali devait, le 6 juillet 2009, s'appuyer mollement, et faussement, pour interdire absurdement à UW de faire suivre dorénavant la signature de ses chroniques de l'énoncé de ses fonctions universitaires.
Dans ce livre UW décortique chaque pièce du dossier et en démonte les rouages. Il montre comment, très vite, la machine médiatique s'est emballée, ce qui n'a pas surpris ce spécialiste de la communication et des médias. Elle s'est retournée contre ceux qui voulaient réellement du mal à ce professeur, qui, pour avoir dit la vérité, devait être exécuté.
Si l'on ne réagit pas suffisamment rapidement quand on est dans l'oeil de ce qui devient un cyclone on a peu de chances d'en sortir idemne. Si UW s'en est sorti, c'est-à-dire s'il n'a pas été mis à la porte de l'Université de Genève, il le doit à sa réaction rapide qui a entraîné d'autres réactions en chaîne.
C'est ainsi que la réponse du Conseil d'Etat genevois à l'interpellation urgente d'un député socialiste au Grand Conseil, Roger Deneys, a pris tellement de temps qu'"elle est en fait arrivée au moment du dénouement de l'affaire" et qu'elle a fait un flop magistral.
Après avoir lu ce livre plein d'enseignements, qu'il faut lire parce qu'il contient un certain nombre de pièces inédites et parce qu'elles sont longuement commentées par un spécialiste, je me dis, avec l'auteur, au sujet de ces socialistes "aux bas instincts" qui ont voulu sa peau :
"Dans de tels cas, il faut toujours imaginer ce que de telles personnes feraient si elles avaient les pleins pouvoirs".
UW reste ouvert puisqu'il pose cette question un peu plus loin :
"A quand le retour de sociodémocrates pragmatiques et raisonnables dont la Suisse a besoin pour son équilibre politique et son fonctionnement politique original et exemplaire ? "
Francis Richard
Nous en sommes au
649e jour de privation de liberté pour Max Göldi, le
dernier otage suisse en Libye