Katmandu, quatre mois plus tôt.
Pour obtenir le visa iranien (spécialement hors de son pays), il est préférable — lisez obligatoire pour les Canadiens — de passer par une agence spécialisée.
Après avoir envoyé un itinéraire détaillé à l'agence, on reçoit le mode de paiement. Il faut envoyer 30 euros chacun à un gars en Turquie, par Western Union. C'est assez simple, normalement, à moins que vous vous trouviez au Népal, où W.U. ne peut que recevoir de l'argent !
Et puis il semblerait qu'essayer d'envoyer de l'argent en ligne par leur site Web, en utilisant une carte de crédit, à un gars avec un nom associé au terrorisme, est une opération perdue d'avance. Heureusement, quelques refus plus tard, ma famille réussit à envoyer (sûrement à contrecœur, quelle mère veut vraiment que son fils et sa bru aillent en Iran ?) le montant au destinataire.
Un mois après, nous recevons enfin le code à six chiffres émis par le ministère des Affaires étrangères iranien qui nous autorise, non pas à entrer dans le pays, mais à faire une demande de visa ! Ce code est télécopié à l'ambassade que nous avons préalablement choisie (bienvenue au 21e siècle).
Comme notre plan à ce moment était de se rendre en Iran depuis l'Inde, via Dubai, pour éviter le Pakistan (grave erreur, je sais), l'ambassade de Delhi semblait être un choix éclairé :
« Les meilleures ambassades délivreront un visa touristique d'un mois en une semaine ou deux (si vous avez le bon passeport). Les pires (comme Delhi en Inde), n'émettront seulement qu'un visa de transit aux non Indiens, et ce, après que vous ayez attendu des semaines. » - Lonely Planet.
On nous interdit premièrement d'entrer dans l'ambassade iranienne avec des sacs sans proposer de solution. Nad reste donc dehors en cette journée pluvieuse.
J'essaie de me rendre à la fenêtre du comptoir - ceux qui connaissent l'Inde savent à quel point c'est difficile d'atteindre le bout d'une file, car personne n'attend son tour. Alors, je joue du coude, dépasse, plus impoliment qu'autrement, et atteinds le comptoir en sueur et pas nécessairement exultant : je demande le formulaire d'application pour un visa de touriste, s'il vous plaît.
Il dit qu'il faut un code. Je lui dis que j'en ai un et le lui tends. Il le prend, le dépose sans le regarder et me demande brusquement de m'asseoir.
Chaque fois que je retourne le voir, il fait semblant de chercher dans ses papiers, le regard béant. Je demande à voir ses supérieurs, ou du moins, quelqu'un doté du siège des facultés mentales. Il me pointe mon siège.
Une heure plus tard, je me retape une fois de plus le troupeau de vieux barbus et demande simplement les formulaires à remplir, insistant sur le fait que le ministère a déjà approuvé nos demandes.
« Assieds-toi ! », me jappe-t-il.
Une heure plus tard, j'y retourne, une fois de plus. Dans ses yeux, je lis clairement qu'il me trouve irritant comme une nuit chez les puces. Je crois qu'il a compris que je ne céderai pas.
Il me tend les feuilles !
Ce n'est qu'une demande de visa sans particularité distincte. On y joint deux photos chacun, dont celles de Nad les cheveux couverts.
Une autre bataille pour se rendre au comptoir, je fais face à un autre refus.
« - Le fond de la photo est rosé » légèrement, précisai-je.
« - Il faut que ce soit blanc.
(Imaginez ici ma veine frontale gonflée)
- Dois-je amener autre chose demain, à part des nouvelles photos ?
- Non. »
Et qu'est-ce que vous pensez qu'il se passe, le lendemain arrivé, une heure plus tard ?
Il me demande des certificats médicaux !
Je lui tends les feuilles sans rien dire, le langage universel étant souvent le plus efficace.
Une heure plus tard, je requitte la chaise maintenant moulée à mes fesses. La dernière épreuve est arrivée. Les consignes de l’agent sont claires : payer le visa et ramener deux photocopies du reçu.
Il faut premièrement se rendre à une banque. Là-bas, un homme prend mon reçu et le broche (dix fois) avec un autre papier sur lequel je dois spécifier avec quels billets de banque (la valeur et le nombre) je paye le montant. La chose faite, dans la plus grande rigueur, je change de comptoir. Le deuxième homme (un air bête) débroche toutes les broches et rebroche tout à sa façon. Une fois payé, je marche pour trouver une photocopieuse.
De retour, je donne fièrement les deux photocopies du paiement à mon cher agent de visa et, le regard vide comme celui d'une vache aussi sacrée soit elle, me demande : « pourquoi deux photocopies ? ».
Ça vous dirait d'aller en Iran ?
-Will