Aujourd'hui, j'aimerai vous parler d'une "vieille" série. Non pas une visionnée "en direct des USA" (ou "directement en sortie d'usine"), mais une oeuvre qui a marqué les années 90 (diffusée de 1993 à 1998). Si elle a commencé à prendre de l'âge, Battlestar Galactica ayant donné un brusque coup de vieux à toutes les séries passées de science-fiction, Babylon 5 demeure une référence dans le paysage de la science-fiction. Une étape fondamentale dans la SF moderne qui mérite d'être visionnée (que j'ai achevé au cours de l'automne).
La série...
Babylon 5 raconte l'histoire de la cinquième station Babylon. Nous sommes au XXIIIe siècle. L'Homme s'est aventuré dans les étoiles et a découvert qu'il était loin d'y être seul. Plus d'un siècle après la rencontre avec sa première race d'extraterrestres, les Centauris, l'Humanité s'est aventurée toujours plus loin dans l'univers. Imposant peu à peu sa présence, la Terre est devenue une force importante dans la galaxie. Mais la rencontre avec un peuple à la technologie très avancée, les Minbaris, bouleversa les certitudes terriennes. Un premier contact imprévu conduisit à la mort du dirigeant spirituel et politique des Minbaris. La guerre fut terrible, tournant à l'avantage de ces derniers. Mais brusquement, à la fin de la Bataille de la Ligne, les Minbaris choisirent de se rendre, sans explication.
C'est dans ce contexte que naquit le projet Babylon. Un lieu d'échanges entre les différents peuples de l'univers pour prévenir les conflits. Initiative controversée, les trois premières stations Babylon ont été sabotées avant même d'être compètement contruites. La quatrième finit par être achevée, mais elle disparut sans laisser de trace lors de sa mise en ligne. Une cinquième station fut finalement construite, avec l'aide financière d'autres nations extra-terrestres.
Chaque saison suit une année sur la station, à partir de son ouverture en 2257.
Babylon 5 était alors le dernier espoir de paix dans la galaxie.
Ce que j'en ai pensé...
Constituée de cinq saisons, la série se révèle être en réalité un cycle très travaillé, qui représente un moment crucial dans l'évolution de l'univers : elle marque l'entrée dans le troisième Âge.
L'objet du récit justifie et explique la construction scénaristique des différentes saisons, qui se présentent chacune comme un chapitre de ce changement progressif. Il s'agit à la fois d'un atout pour la cohérence d'ensemble très maîtrisée de l'univers de la fiction, mais c'est également d'une des faiblesses de la série. Elle se traduit par une inégalité entre les saisons, tant en terme d'intensité que de qualité. Schématiquement, sans gâcher les grands enjeux, il est possible de schématiser rapidement la série dans ses évolutions. La première saison occupe ainsi, avant tout, une fonction d'exposition. Elle introduit différents personnages clés et posent les enjeux futurs, que le téléspectateur n'identifie pas forcément lors du premier visionnage, maintenu dans le flou presqu'autant que le personnel de la station. La deuxième saison marque véritablement l'entrée dans la phase de l'action. Ce sont les préliminaires de la grande guerre qui se prépare. Elle met en scène l'engrenage inéluctable qui va conduire à la tragédie annoncée. La position de chacun des protagonistes se précise, tout comme la figure de l'ennemi. Les troisième et quatrième saisons sont les saisons charnières, où les batailles intergalactiques prennent le pas sur la diplomatie. C'est la guerre contre l'ennemi qui a tissé sa toile depuis le début de la série, les Ombres, mais également contre le gouvernement devenu dictatorial sur Terre. Ce sont alors les saisons les plus intenses : elles scellent l'entrée de l'Humanité dans le troisième Âge. Enfin, la cinquième saison apparaît comme une sorte d'addendum. Après un finale de la saison 4 qui aurait pu constituer une fin en soi, la saison 5 nous conte la première année de l'Alliance nouvellement formée. Quelques égarements scénaristiques (le personnage de Byron est à mon sens une erreur monumentale) n'empêchent pas cette saison de se conclure par un dernier tiers à la hauteur de la série. Le dernier épisode est ce chapitre de conclusion que l'on retrouve dans certains romans, refermant définitivement ce grand livre épique.
Ayant dès le départ une idée assez précise de ce qu'ils s'apprêtent à raconter (ce qui, soyons franc, n'est pas toujours le cas dans le monde des séries), Babylon 5 bénéficie de la construction d'une série où le mystère savamment distillé ne sera pas gâché par sa révélation, lorsque les téléspectateurs auront toutes les clés en main. Les pièces du puzzle s'emboîteront pour révéler un plan d'ensemble qui confèrera à des évènements a priori non liés tout leur sens. Les scénaristes savent où ils vont. Cela donne au récit une dimension supplémentaire que j'ai particulièrement appréciée. En effet, les scénaristes parsèment différents épisodes des rêves prémonitoires et des phrases visionnaires autant qu'énigmatiques de certains personnages. La prophétie des Minbaris, le fameux "rêve de Kosh" ou les visions apocalyptiques de Londo, intriguent autant qu'inquiètent l'imagination du téléspectateur. Le récit prend des allures de tragédies de théâtre. En effet, la prédestination apparaît rapidement comme la constante de l'engrenage d'évènements auquel on assiste. Par la perpective que la série offre, tout libre-arbitre semble échapper aux personnages dont la destinée est irrémédiablement figée. L'inévitabilité de certaines voies funestes leur donne un caractère presque oppressant. Car, les personnages sont aussi conscients de ces prémonitions que le téléspectateur. Or, toutes leurs actions qu'ils pensent en vue d'y échapper semblent ne faire qu'installer plus inéluctablement ce futur qu'ils voudraient pourtant prévenir. A travers la richesse de son univers, l'épopée contée dans Babylon 5 est avant tout marquée par une certaine innocence de la mythologie. Les ressorts scénaristiques, aussi efficaces soient-ils, ont gardé ce classicisme, qui rejaillit également sur les personnages. C'est une certaine naïveté qui domine le tableau de cette fresque, aussi tragique ou valeureux que soient les destins des protagonistes. Cet aspect trouve notamment une illustration dans la figure du héros qu'incarne John Sheridan, leader dont le destin est scellé par les mêmes dynamiques qui l'ont porté au sommet. Pour autant, derrière cette apparence de lutte entre le Bien et le Mal, il ne faut pas croire que l'univers de Babylon 5 serait manichéen. En effet, chaque fois que l'on croit atteindre une opinion arrêtée sur la storyline, un développement ou une précision nuance le tableau, remet en cause ce jugement sommaire, par cette touche de gris qui empêche de clairement distinguer le noir du blanc.
Au-delà de la jeunesse du style d'écriture des scénaristes, Babylon 5 est une série qui atteint des degrés de subtilité rares dans les fictions télévisées -et qui est généralement le signe des grandes séries. Babylon 5 nous immerge dans les coulisses de la diplomatie galactique. La station spatiale ressemble initialement à une sorte d'ONU, un lieu de dialogues et d'échanges inter-raciales où se répercutent à l'échelle de la galaxie, les même enjeux immuables de luttes de pouvoir, d'influence et de conquête. Les actions des personnages reflètent ainsi ce constant et fragile équilibre entre les nécessités de la raison d'Etat, de la morale ou du nationalisme. Tout ce développement autour d'une problématique éthique est ainsi traitée avec beaucoup de réussite. A ce titre, différents personnages bénéficient d'une évolution emblématique qui illustre parfaitement la richesse de Babylon 5. Je pense notamment à G'Kar et Londo, dont les personnalités se complexifient et le regard mûrit considérablement en cinq saisons, soulignant toute l'ambiguïté dont sait également faire preuve la série.
Finalement, si ses effets spéciaux ont vieilli, si ses codes scénaristiques sont ceux de la "vieille" école, si l'image est très marquée années 90, Babylon 5 demeure, même en 2007, une belle série de SF (en ces temps de disette, il est agréable de savoir que l'on peut toujours se régaler devant des classiques). Elle amorce le tournant vers la science-fiction moderne, en posant les nouveaux jalons de ce genre, se détachant du classicisme rigide des Star Trek (dont l'évolution est également sensible à la même époque avec la sombre ST : Deep Space Nine, concurrente directe et éternelle opposant de Babylon 5), et annonce ainsi les futures Farscape et autres Battlestar Galactica (version actuellement produite par Sci-Fi).
En guise d'aperçu, voici le générique de la saison 4, un de mes favoris (à chaque fois que j'entends ce monologue, ça me transporte dans l'univers de B5) :
PS: Il est matériellement bien sûr impossible de développer et d'analyser la richesse de la mythologie de Babylon 5 dans son ensemble en une brève note de blog. Mais aussi schématique et synthétique que l'imposait l'exercice, j'espère simplement avoir fait naître la curiosité chez ceux qui n'ont jamais vu la série, ou une certaine nostalgie pour les autres (qui me pardonneront, j'espère, mes approximations et raccourcis obligatoires).