Un homme poursuivi pour infractions à la législation sur les stupéfiants conteste l’impartialité de la Présidente et de l’un des deux assesseurs de la formation d’appel correctionnel qui l’a condamné à dix ans d’emprisonnement. A l’appui de ce grief, il relève que ces derniers étaient membres de la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Orléans qui a statué sur la prolongation de la détention provisoire de sa compagne et qu’au surplus, la Présidente de la formation de jugement était également membre de la formation d’instruction qui a confirmé en appel la décision de le placer en détention provisoire. Les demandes de l’intéressé tendant à ce que les magistrats concernés se déportent ne furent pas accueillies.
Sur le terrain du droit à un procès équitable (Art. 6), la Cour européenne des droits de l’homme relève tout d’abord que les allégations du requérant ne visent pas « l’impartialité subjective des magistrats concernés » mais leur « impartialité objective » (§ 35 - V. Lettre Droits-Libertés du 12 juin 2009 et CPDH 15 juin 2009 - III 1° - sur Cour EDH, 5e Sect. 11 juin 2009, Dubus S.A. c. France, Req. n° 5242/04). Or, il est rappelé que si « le simple fait qu’un juge ait déjà pris des décisions avant le procès, notamment au sujet de la détention provisoire, ne peut justifier en soi des appréhensions quant à son impartialité […], des circonstances particulières peuvent, dans une affaire donnée, mener à une conclusion différente » (§ 36). Tel est le cas en l’espèce car la Cour considère que la motivation des arrêts de la chambre d’instruction évoqués précédemment « constitue davantage une idée préconçue de la culpabilité du requérant que la simple description d’un “état de suspicion”, au sens de la jurisprudence de la Cour » (§ 37). Cette conclusion selon laquelle les juridictions d’instruction - auxquelles appartenaient certains magistrats de la formation de jugement en appel - ont été au-delà de ce qui était nécessaire à la justification du maintien en détention provisoire et se sont « au contraire prononcée[s] sur l’existence d’éléments de culpabilité à la charge du requérant » repose sur l’analyse des termes desdits arrêts (§ 38 : « qu’en s’exprimant en des termes clairs et non équivoques quant au rôle exact du requérant et à sa place dans le réseau délictueux (”il agissait en véritable professionnel du trafic”, et était considéré comme “l’un des principaux trafiquants”), ainsi que sur l’étendue de son implication dans ce trafic (”dont il tirait très largement bénéfice”) les magistrats de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Orléans sont allés au-delà d’un simple état de suspicion à son encontre »). Une telle appréciation de la culpabilité du requérant avant jugement par des magistrats devant ensuite se prononcer sur cette même culpabilité rend légitime les appréhensions de ce premier quant à l’impartialité objective de ces derniers (§ 39).
En conséquence, la France est condamnée pour violation du droit à un procès équitable.
Chesne c. France (Cour EDH, 5e Sect. 22 avril 2010, Req. no 29808/06)