Gonjasufi, le coup de génie
Publié le 28 avril 2010 par Smaël Bouaici
Baroque, c’est le premier mot qui vient à l’esprit pour décrire l’album de Gonjasufi. Le “chanteur” Sumach vient du Nevada, où, selon la légende, il vivrait dans une caravane au milieu du désert. Ses démos font quand même le chemin jusqu’en Californie, et rencontrent les oreilles du jeune producteur Gaslamp Killer. C’est le début d’une collaboration qui les mènera à ce projet pas vraiment définissable, où figure aussi Flying Lotus, qui avait déjà eu l’intelligence de le convier sur son album Los Angeles. Certains y entendent du hip-hop, nous y voyons plus largement un timbre grave et une voix déraillée qui se déclinent sur de géniales sauces. Car il y a quelque chose de pourri, de profond et de spirituel dans la musique de Gonjasufi, qui convoque à la fois les Pink Floyd, Jimi Hendrix et tout le psychédélisme californien à sa table.
Celui qui bourre son compte Twitter de catch phrases bien trouvées, type “Dieu est sous estimé“, délivre des lyrics tout aussi cryptiques, (mét)aphorisant sur les mérites d’être un mouton (”Only because I wouldn’t have to kill to eat“), ou chantant sa mélancolie sur le touchant She Gone et son clavier casio dézingué. Plus loin, il emprunte le riff de I wanna be your dog sur Suzie Q, avec un son encore plus sale que celui des Stooges, n’hésite pas à baisser brutalement le volume à la fin des morceaux (Stardustin), et éructe façon toaster sur Cowboys and Indians, sans doute le titre le plus sauvage et iconoclaste qu’il nous ait été donné d’écouter ces dernières années. Gonjasufi donne l’impression qu’il peut se glisser sur n’importe quel beat, et se l’approprier. Un talent rare, et clairement le coup de génie de l’année.
Gonjasufi A Sufi & A Killer (Warp Records)
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