Le leader d’Europe Ecologie parie sur cinq candidatures pour 2012 : celle du président sortant et celles de Dominique de Villepin, Jean-Louis Borloo, François Bayrou et Marine Le Pen. Cette dernière précise qu’”il y aura au moins deux candidats de l’UMP” car le parti est selon elle “en train d’imploser”. Depuis, c’est la course à l’échalote et Le Point cette semaine va jusqu’à trouver huit rivaux à Nicolas Sarkozy ! “A deux ans de la présidence, les candidats se bousculent à droite” nous apprend le journal page 18.
Tous candidats en 2012 ?
Reprenons nos esprits et soyons sérieux un instant : une candidature dissidente de François Fillon est inimaginable, de même pour Alain Juppé, Jean-Louis Borloo et Jean-François Copé. Aucun des quatre ne se présentera contre Nicolas Sarkozy si celui-ci rempile.
Nicolas Dupont-Aignan avait déjà fait le coup de la candidature lors de la dernière présidentielle. Faute d’avoir récolté le nombre de parrainages nécessaires, il jette l’éponge à la mi-mars.
Les parrainages pourraient être aussi le problème d’Hervé Morin s’il lui prenait l’envie de se présenter en 2012. Dans un certain nombre de communes ou circonscriptions, le Nouveau Centre est élu grâce à l’UMP, sous l’étiquette “majorité présidentielle”. Autrement dit, le parti de Xavier Bertrand a fait de la place aux candidats d’Hervé Morin. Le Nouveau Centre bénéficie aussi de subventions de la part de l’UMP.
A l’approche de 2012, on envisage aisément que l’UMP demande à ses alliés de ne pas jouer la division. Le chantage pourrait porter autant sur le financement que sur les investitures en vue des législatives ou municipales. Bien sûr, Hervé Morin pourrait faire le choix de se présenter sans tenir compte des craintes de ses élus et adhérents. C’est ce qu’a fait François Bayrou en 2007, ce qui a causé en grande partie la désertion de ses troupes au lendemain des élections.
Et puisque l’on parle de François Bayrou, sa candidature – qui ne fait nul doute – est aussi gênante pour le candidat de droite que pour celui de gauche. Il se définit lui-même comme faisant partie de l’opposition. Il occupe un créneau, – celui de la droite sociale ou d’une gauche libérale, c’est selon – que l’UMP a abandonné depuis bien longtemps n’en déplaise à Laurent Wauquiez. Au PS, il concurrencerait une Ségolène Royal si elle venait à se représenter. A droite, il viendrait tout droit contrecarrer les plans d’un Dominique de Villepin.
Au fond, l’ancien Premier ministre est le candidat dissident le plus probable à droite. A supposer qu’il ait les parrainages nécessaires, est-ce que cela suffit à envisager un “21 avril à l’envers” ? L’histoire nous montre que les scénarios sont divers et variés… et pas forcément écrits à l’avance.
Giscard/Chaban 1974
Suite au décès de Georges Pompidou, une élection anticipée est organisée. Deux mastodontes de droite se présentent. Jacques Chaban-Delmas, candidat UDR et ancien Premier ministre de Pompidou, se présente comme le candidat gaulliste. Il préempte les thèmes sociaux, mais sa campagne est sapée par des dissidences au sein même de l’UDR. Valéry Giscard d’Estaing, bien que ministre de l’Economie et des Finances sortant, joue la carte de la rupture. C’est le candidat de la com’, qui affiche femme, enfants et accordéon. Les gaullistes anti-Chaban lui apportent également leur soutien. A l’issue du premier tour, Valéry Giscard d’Estaing se qualifie pour le second et remporte l’élection face à François Mitterrand.
Giscard/Chirac 1981
Sept ans plus tard, c’est le match retour. Quand Giscard se représente pour un second mandat, il sait qu’il aura face à lui le jeune Jacques Chirac. Son ancien Premier ministre, qui a claqué la porte de Matignon en 1976, a depuis fondé le RPR et conquis la Mairie de Paris. Il se présente comme le candidat des gaullistes. Au second tour, François Mitterrand triomphe du président sortant. Giscard ne s’en remettra jamais et soupçonnera Jacques Chirac d’avoir comploté en sous-main pour le couler. Près de 30 ans plus tard, il accusera son concurrent d’avoir bénéficié de financements occultes.
Chirac/Balladur 1995
Les législatives de 1993 ouvrent grand la porte de Matignon à Edouard Balladur. Chouchou des sondages, il décide de se présenter à l’élection présidentielle en janvier 1995. Il est soutenu par de nombreux membres du gouvernement parmi lesquels Nicolas Sarkozy. Jacques Chirac est aussi candidat. En quelques mois, il remonte son handicap dans les sondages et remporte l’élection à l’issue d’un second tour qui l’oppose à Lionel Jospin.
Au fond, ceux qui prédisent un “21 avril à l’envers” risquent d’être déçus puisque l’histoire montre que le jeu reste ouvert même lorsque deux candidats d’un même camp se présentent. Qui plus est, ce n’est pas tant la multiplication des candidatures que la dispersion des voix à gauche qui explique le 21 avril. En fouillant dans les archives du Conseil Constitutionnel, on se rend compte qu’au premier tour de l’élection de 2002, il y avait autant de candidats de droite que de gauche.
Alors à qui profite le crime ? Et si l’hypothèse d’un “contre-21 avril” ne servait qu’à semer de la crainte pour récolter de l’unité ? Auquel cas, Daniel Cohn-Bendit et Marine Le Pen feraient le jeu de Nicolas Sarkozy. Et c’est là que je ne comprends pas très bien où ils veulent en venir.