Le Tour de France est-il à vendre ?

Ce matin, Arnaud Lagardère a indiqué vouloir racheter « tout ou partie » du groupe Amaury (L'Equipe, Le Parisien mais également ASO et donc le Tour de France).

Cette nouvelle n'est qu'une demi-surprise. On sait depuis longtemps qu'Arnaud Lagardère rêve de s'offrir le Tour de France. Et en tant qu'actionnaire historique du Groupe Amaury, il bénéficie même d'un droit de préemption si la famille Amaury, venaient à s'en séparer. La semaine dernière, déjà, il déclarait même être bien plus intéressé par ASO, que par L'Équipe^[1].
Mais à vrai dire, on imagine mal le Groupe Amaury vendre ASO (son activité la plus rentable) pour conserver L'Equipe. D'ailleurs, dans un entretien au Point en mars dernier^[2], Marie-Odile Amaury avait fait semblant de découvrir que son ami Arnaud Lagardère souhaitait lui racheter le Tour de France. Sa réponse^[3] pouvait alors apparaitre comme une courtoise "fin de non recevoir" ou au contraire, une façon de faire monter les enchères.
Au même moment, Arnaud Lagardère, habitué des cours de tennis mais que l'on a rarement vu sur une course cycliste, était invité par Lance Armstrong sur le Tour de Murcie^[4]. On sait que Lagardère est désormais une personnalité qui compte énormément dans le monde du sport. Il y a d'un coté "Lagardère Sports", qui gère des sites internet d'envergure mais également des compétitions (dont le Tour d’Allemagne cycliste). De l'autre le "Team Lagardère", qui regroupe des athlètes de haut-niveau comme le tennisman Richard Gasquet.

Le voir aux cotés de Lance Armstrong pouvait signifier une quantité de choses : la volonté d'intégrer Lance Armstrong dans sa structure, de se lancer dans l'organisation de courses aux Etats-Unis ou pourquoi pas le rachat d'une équipe (dans le cas où le sponsors Radioshack ne continuerait pas dans le cyclisme^[5]). Mais certains se souviennent maintenant qu'Armstrong s'était déclaré intéressé par l'achat d'ASO. Même si l'américain est riche, il n'a sans doute pas les reins assez solide pour entreprendre une telle aventure seul. Associé à Lagardère, l'entreprise semble plus crédible. A moins qu'au contraire, le Français ne propose à l'américain de lui vendre ses parts. Bref, les rumeurs pourraient bientôt reprendre de plus belle.
Bref, la déclaration de Lagardère ne surprendra personne dans le milieu du sport. Par contre, elle pourrait faire plus de vagues dans celui de la finance. En effet, le groupe Lagardère est en pleine tourmente. En 2009, les revenus de Lagardère Active (la branche média) ont été divisés par quatre. Le patron français, contesté au sein de son propre groupe par le financier Wyser-Pratte, avait alors annoncé vouloir procéder à un "recentrage" et céder des "parts minoritaires". La presse annonçait alors que Lagardère allait devoir s'éloigner du sport et des médias, pour se concentrer sur l'aéronautique, métier historique du groupe. L'annonce de la vente des 20% détenus dans Canal+ semblait en être le parfait exemple. On annonçait alors que Lagardère cherchait à se séparer des 25% qu'il détient dans le Groupe Amaury^[6].
Un dernier élément est à prendre en considération. Vous l'avez peut-être remarqué : le monde des médias et du sport est en plein ébullition depuis quelques mois. Regardez par exemple le site internet du très sérieux quotidien Le Monde : le sport a désormais une place de tout premier plan. La raison de ce changement : la légalisation des paris sportifs en ligne. Les acteurs historiques, PMU et Française des Jeux, multiplient les partenariats avec les médias (radio, presse...) qui espèrent de leur coté trouver sur ce marché une bouée de sauvetage. Mais des nouveaux venus aux dents longues se lancent également dans l'aventure. Au milieu de cette jungle, on retrouve nos 2 protagonistes : le groupe Amaury (qui lance Sajoo.fr), et Lagardère (avec Europe1 qui s'associe à BetClic). Racheter aujourd'hui le Groupe Amaury est une bonne idée, pour qui croit en l'avenir des jeux d'argent en ligne. Mais peut-on être à la fois organisateur de compétitions sportives, et organisateur de paris ? Une certaine logique voudrait alors qu'on sépare les 2 activités.
Bref, difficile d'y voir claire dans ce drôle de jeu. Lagardère souhaite-t'il réellement racheter Amaury ? Ou bien cherche-t'il simplement à revendre, au meilleur prix, les 25% qu'il détient ? Les 2 hypthèses sont crédibles. Espérons que la presse spécialisée nous aidera à y voir plus clair dans les jours qui viennent.
Photos : Benoit Tessier et Eric Gaillard (REUTERS)

Notes

[1] "Concernant le groupe Amaury, je suis fermement attaché aux groupes familiaux, c’est donc à la famille de décider, mais ce qui nous intéresserait le plus c’est ASO, organisateur du Tour de France et du Paris Dakar, plutôt que Le Parisien et L’Equipe." (Investir.fr)

[2] Le Point

[3] "C'est un événement qui appartient à L'Équipe et au Parisien depuis l'après-guerre. Il est au centre du groupe. J'y suis très attachée."

[4] Eurosport

[5] The Shack est à vendre ?

[6] Le Monde du 24/04/2010