Pour l'heure, je voudrai rester encore un peu sur Kagoshima, dont la production cette année non contente de ne pas décevoir, est plus que satisfaisante. Voici l'occasion de parler un peu de Asatsuyu. Il s'agit de l'un des cultivars de thé japonais les plus anciens, enregistré en 1953, en même temps que Yabukita et 11 autres variétés. Asatsuyu fut créé à partir d'un théier "sauvage" (zairai-shu 在来種) de Uji. Bien qu'il ne représente pas 1% de la surface cultivée, il reste un cultivar très connu des fana de thé japonais, car il possède une puissante saveur caractéristique, que certains comparent au haricot de soja vert. C'est un thé très doux. Une autre caractéristique importante, est une très belle couleur, vert émeraude profond. On le surnomme parfois pour sa couleur et sa douceur "tennen gyokuro" 天然玉露, "gyokuro naturel".C'est un cultivar de grande qualité qui sert de base à la création de nombreuses nouvelles variétés. Par exemple, les deux célèbres cultivar dont je parlai dans mon précédents billets en font parti : Yutaka-midori en est une mutation naturelle, et la star Sae-midori en est un croisement avec le poids lourd Yabukita.
Chaque année, l'arrivée du Asatsuyu Kagoshima nouveau est l'occasion chez Maruyama-en de la sortie sur réservation d'un produit atypique, provenant du "menu alternatif", proposé seulement à quelques clients fan de Asatsuyu, le "Jukusei Asatsuyu" 熟成あさつゆ. "jukusei" signifie "mûri", "affiné", etc. Il s'agit du Asatsuyu de l'an dernier, laissé vieillir un an dans des conditions particulières.Aux dire des "anciens", on obtient alors un Asatsuyu à la saveur du Asatsuyu d'antan, la saveur originelle d'avant le boom de la culture du thé à Kagoshima, avide de cultivar autres que Yabukita, où le Asatsuyu aurait vu sa personnalité unique s'arrondir, devenir plus "théïquement correcte". Bon, je pense qu'il s'agit simplement d'une évolution naturelle que subissent plus ou moins les cultivars (à l'inverse, une grande stabilité est l'une des nombreuses raisons qui ont élevées Yabukita à pas loin 75% de la surface cultivée).
Voici nos deux compères, deux fukamushi sencha.
Ils seront infusés à l'habituel 70°C, 40 s pour le premier, 30 pour le second.
Le shincha est doux, sans astringence, fort de la particulière saveur du Asatsuyu, ce fameux goût de "haricot" que l'on retrouve assagi dans la plupart des cultivars qui en sont issus. Si d'une manière générale on peut dire qu'on a là un thé fort, pour du Asatsuyu, celui-ci est très aérien et rafraichissant, probablement le "léger" de ceux que j'ai pu boire jusqu'à présent. Cela est d'autant plus frappant lorsqu'on goute à la version vieillie. Voilà Ze Asatsuyu, un thé caractériel, tout en force, ou tout ce qu'on connait de cette variété se retrouve amplifié, j'y perçoit même jusqu'à des notes de charcuterie (désolé de ne pas savoir mettre de comparaison plus poétique, mais c'est comme que je le ressent). S'il s'agit vraiment de ce que donnait ce cultivar dans sa jeunesse, je comprend pourquoi la majorité des Asatsuyu actuels n'arrivent pas à satisfaire à 100% les amateurs de longue date. Je comprends aussi pourquoi ce cultivar possède également tant de détracteurs. En effet, cette saveur n'est pas faite pour plaire à tous. Pour ma part, je suis conquis !Est-il besoin d'ajouté qu'il n'y a pas la moindre trace d'astringence, que ce thé est parfaitement douceâtre.
Heureux sont ceux qui ont cette année réservé les deux, et peuvent jouir de Asatsuyu dans deux extrêmes.