« Deuil,
Je crie le deuil d’Haïti.
Deuil,
Je chante le deuil d’Haïti.
Haïti Chérie.
Voici que tes enfants sont morts
Et que les autres sont tous nus.
Qui va porter le deuil pour toi ?
Ayitoma, ton sang est en diaspora… »
Toto Bissainthe, chanteuse haïtienne.
Un peu plus de trois mois après le séisme qui a dévasté Haïti et causé la mort de 170 000 personnes, l’île est quasiment retombée dans l’oubli malgré une situation toujours aussi critique.
Une forte communauté haïtienne, installée dans mon département, s’est mobilisée pour porter aide à la population en danger.
Quêtes, actions sur place, nous avons tous été sollicités pour un geste selon nos possibilités. C’était l’occasion de participer, même modestement, à une grande chaîne de solidarité mais aussi de se poser des questions.
Dans mon esprit, Haïti véhiculait l’image d’un pays naufragé sans que j’arrive toute fois à bien cerner la situation.
A la faveur d’un article parcouru dans la presse locale, j’ai obtenu la réponse à mes interrogations : comment et pourquoi ce pays de neuf millions d’habitants est-il aujourd’hui l’un des plus pauvres du monde ?
Comment se fait-il que l’espérance de vie y soit si basse (60 ans), que 38% de la population soit analphabète, que le pays compte à peine 0,25 %o médecins ( !) ?
Enfin, pourquoi la population survit-elle avec moins de 1,4 € par jour ?
Dans l’ombre des Etats-Unis et de l’Europe, le confetti surnage dans des eaux peu clémentes.
Pourquoi ?
Il faut remonter dans le temps et plonger dans l’histoire occidentale pour comprendre comment un pays tout entier peut se retrouver pris à la gorge et vampirisé. Et combien notre dette est lourde et toujours due…
Tout débute en 1492, lorsque Christophe Colomb découvre l’île d’Haïti. Il la nomme Hispaniola : Petite Espagne.
Peuplée d’Amérindiens, elle regorge surtout de mines d’or.
Les premiers sont exterminés, les deuxièmes sont exploitées intensivement.
Force est de constater qu’il faut des bras pour continuer à se servir dans les ressources de l’île. Faute de population locale suffisante, Charles Quint autorise la traite des Africains en 1517.
Le commerce humain étant des plus florissants, Louis XIV promulgue le Code Noir en 1685. L’objectif est de réguler le régime propre à l’esclavage.
En 1697, l’Espagne et la France se partage l’île. C’est le traité de Ryswick.
En 1791, les Noirs se révoltent, portés par Toussaint Laventure. Mieux vaut risquer de périr plutôt que de continuer à subir le sang versé pour enrichir les puissances occidentales, le pillage, l’esclavage et cette misère inhumaine…
Le 4 février 1794, l’esclavage est aboli dans les colonies françaises.
Après la mort de Toussaint Laventure en captivité, un certain Dessalines proclame l’indépendance de la République d’Haïti. Nous sommes le 1er janvier 1804.
En 1825, la France reconnaît l’indépendance d’Haïti mais exige une indemnité de 150 millions de francs or bientôt ramenée à 90 millions.
Le pays s’asphyxie économiquement en réglant cette dette par échéance jusqu’en 1888.
De 1915 à 1934, les Américains occupent l’île militairement pour des intérêts financiers.
A partir de 1957 et jusqu’en 1986, c’est la dictature qui prend le pouvoir en Haïti. C’est le règne des tristement célèbres Duvalier : « Papa Doc » puis son fils « Baby Doc ».
A la fin de la dictature, le pays connaît une période de forte instabilité politique. Jean-Bertrand Aristide puis René Préval prennent les rênes du pouvoir.
En 2008, 4 cyclones dévastent le pays. Les dégâts matériels sont colossaux et le pays est dans l’incapacité financière de se reconstruire et de se doter d’infrastructures solides. Il reste à la merci des aléas climatiques et naturels.
12 janvier 2010, le séisme de magnitude 7 frappe l’île démunie.
Depuis 500 ans, l’île subit, lutte mais s’enfonce dans l’indifférence générale.
Je laisse le mot de la fin à Toto Bissainthe… « Lamize Pa Dous (Poverty Is Not Sweet)”.