Brassaï

Publié le 28 avril 2010 par Marc Lenot

Le musée des Beaux-arts de Nancy (après celui de Nantes) présente environ 150 photographies de Brassaï (jusqu’au 17 mai). C’est une très belle rétrospective, comprenant aussi des images moins connues (les photocollages de Pompéi, par exemple). La première salle est celle des graffiti, ‘art bâtard des rues mal famées’ : s’y déclinent visages, crânes, coeurs, sexes, initiales et aussi d’énigmatiques pictogrammes. Si certains graffiti sont délibérés, trace volontaire d’un passant, d’autres semblent ‘inventés’ par Brassaï, révélés par le regard du photographe, qui, à partir de trous, d’entailles de hasard, voit apparaître un motif, réemployant les fissures du mur pour en faire une figure parasite. Celui-ci, visage devenu femme bondissante, nous renvoie à l’art pariétal. Toujours dans la rue parisienne, si on connaît bien le pavé humide nocturne brillant que ses photos ont magnifié, on peut aussi voir ici deux ensembles de six photos de Pavés de Paris, secs et diurnes, qui sont des petits chefs-d’oeuvre de composition géométrique, en flux et en miroir.

Les salles suivantes sont dédiées aux objets, sculptures involontaires (l’une vient avec une lettre de Dali demandant des modifications), objets quotidiens ou trouvailles dans l’atelier d’un artiste (Picasso et d’autres).

La série des 12 photos ‘La tourterelle et la poupée‘ évoque Bellmer, mais aussi, de manière troublante, les amours de Léda et de Jupiter : la planche contact présentée à côté porte le titre rayé ‘les amours de Jupiter’. Une des phrases de Brassaï affichées au mur s’applique fort bien ici :” Etonner, mais pas avec n’importe quoi”.

Plus loin, ces Accessoires pour composition dans l’atelier de Pierre Roy : un guéridon, du bois de chauffage entassé dessous et, au dessus, trois maquettes : un escalier en colimaçon, un escalier tournant et une échelle des pompiers, dont les ombres portées jaillissent en dansant sur le mur ; elles évoquent irrésistiblement le monument à la 3ème internationale de Tatline.

C’est avec les fleurs que commence à sourdre la sensualité de l’oeuvre de Brassaï, avec l’érotisme d’un Pistil de tulipe (hélas reproduit à l’envers dans le catalogue). Les nus féminins, enfin, sont avant tout des sculptures, mais on y admire aussi le grain de la peau des modèles, chair de poule frissonnante, duvet blond, grain de beauté ou infime trace d’un élastique.