Le texte suivant a été écrit en 2008, lors de la création du premier spectacle d'une trilogie « trois utopies pour un désastre » dont le dernier opus vient d'être créé. Opus est un mot latin, qui signifie œuvre, et dont le pluriel est opera...
Crocodile OPA, un Opéra de quat'sous contemporain.
Il y a, en effet, dans ce spectacle, les mêmes ingrédients que dans la pièce écrite en 1928 (elle-même tirée d’un texte de 1728) : le désir d’accumulation, de capitalisation, l’appât du gain, et la misère, la musique et les chansons. Certes, François Chaffin ne copie pas Bertold Brecht, mais l’époque (début de siècle) prête à ce rapprochement. De plus, si François Chaffin désigne son spectacle comme un oratorio, ce qui ne plaira pas aux puristes, ce n’est sans doute pas totalement étranger à la provocation de Bertold Brecht écrivant un opéra pour une classe sociale qui en était généralement exclue.
Sur la forme, c’est un théâtre qui se veut proche du peuple, comme l’Opéra de quat’sous pouvait être un théâtre pour le peuple. Le peuple, c’est vous, c’est nous, c’est toi, c’est moi. Ici, les acteurs sont avec nous, ils entrent dans la salle avec le public, et tout se joue « à vue » (on dit aussi qu’un chèque est payable « à vue », est-ce un hasard ?).
A y regarder de près, on peut voir ce qui a changé depuis Brecht dans le monde. Les trois ou quatre sous sont devenus tirelires et portent le nom des monnaies dans lesquelles se font les échanges internationaux. Mackie et les petits truands du début du XXe siècle sont devenus des multinationales anonymes mais la misère, elle, est toujours aussi violente pour qui la subit.
Enfin, ce que François Chaffin montre, comme le faisait d’une autre manière Bertold Brecht, c’est que chacun de nous veut toujours plus. Il n’y a pas de leçon morale ni politique, c’est un constat. Et cela n’empêche pas de vouloir et d’espérer une répartition moins inégalitaire et plus équitable des richesses.
François Chaffin et le Théâtre du Menteur feront suivre Crocodile O.P.A. de deux autres spectacles : l’un parlera des religions, l’autre de l’information. C’est le théâtre comme outil pour comprendre et agir dans le monde où nous vivons.
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Je vous propose de suivre pendant trois jours les trois créations consécutives : demain ce sera La première fois que la nuit est tombée, et après-demain Nous sommes tous des dictaphones.