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Garde à vue, ou le calvaire de Michèle Aliot-Marie.

Publié le 28 avril 2010 par Juan

Garde à vue, ou le calvaire de Michèle Aliot-Marie.La réforme de la procédure pénale, projetée avec difficultés et résistances par Michèle Alliot-Marie, devrait contenir de nouvelles dispositions relatives à la garde à vue. Il a fallu quelques polémiques ponctuelles sur des cas ultra-médiatisés pour que le gouvernement se saisisse enfin du sujet.
Le 25 mars dernier, les députés débattaient d'une proposition de loi très simple, déposée par le socialiste André Vallini: la présence effective d'un avocat dès la première heure de la garde à vue. Cette dernière est actuellement possible, mais pas requise. Le débat fut curieux, et sans doute illustratif de la résistance sarkozyenne.
Depuis l'échec de l'UMP aux élections régionales, Nicolas Sarkozy a adopté un ton sécuritaire évident. La prévention, il ne connaît. La protection des libertés publiques n'est pas plus très vendeur pour l'électorat qu'il cherche à séduire à nouveau. Les abus de gardes à vue ne l'ont jamais ému. Si prolixe pendant la campagne présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy n'avait pourtant rien à dire sur le sujet. Rappelons que le nombre de gardes à vue est passé de 336 718 en 2001 à 580 108 en 2009, sans compter les gardes à vue pour délits routiers (environ 300 à 400 000 de plus !).
Le 25 mars dernier, Michèle Alliot-Marie était coincée entre sa position de ministre de Sarkofrance et ses propres positions que l'on devinait plus souples et compréhensives. Le député communiste Jean-Pierre Brard a trouvé, ce jour-là, la bonne formule : «Il est vrai que, dans ce gouvernement médiocre, vous êtes une femme d’État ! Mais, quitte à avoir des adversaires, autant qu’ils soient de qualité ! Vous êtes sur vos rails, mais vous ne maîtrisez ni les aiguillages, ni la signalisation ! C’est Sa Majesté impériale qui appuie sur les boutons !»
Dans un premier temps, la Garde des Sceaux reconnaissait la valeur des arguments du député socialiste : «nous partageons, sur les divers bancs de cette assemblée, les mêmes constats.  Premièrement, il y a trop de gardes à vue, la procédure n’étant pas toujours utilisée dans l’esprit dans lequel elle a été créée. Deuxièmement, les conditions de garde à vue sont trop souvent indignes, malgré les efforts de chacun et sans qu’il s’agisse, de quelque manière que ce soit, en disant cela, de montrer du doigt les policiers ou les gendarmes. Troisièmement, l’avocat n’a pas la possibilité de jouer totalement son rôle, notamment son rôle de conseil, au cours de la garde à vue. Je pense que nous sommes unanimes à penser cela.»
Pour conclure, Michèle Alliot-Marie reconnaît que la proposition est une bonne réponse à ces problèmes: «La proposition de loi de M. Vallini est effectivement l’une des réponses susceptibles d’être données. Elle prévoit que toute personne placée en garde à vue, si elle en fait la demande, soit immédiatement assistée d’un avocat, et ce pendant toute la durée de la garde à vue.»
Mais ensuite, elle prévient : «nous devons envisager les problèmes dans leur ensemble.» Elle avance quelques pistes d'amélioration, qui ne choqueront personne, bien au contraire : primo,  «Le recours à la garde à vue, qui est une façon de priver quelqu’un de liberté, ne doit être possible que dans le cas d’un crime ou d’un délit susceptible d’être puni par une peine d’emprisonnement» (sic !). Deuxio, «un aveu obtenu hors la présence d’un avocat ne pourra servir à lui seul de base pour une condamnation.» Tertio, elle aimerait que la dignité des gardés à vue soit mieux garantie, et limiter, par exemple, le retrait systématique des soutiens-gorges ou des lunettes.
Ces «avancées»  étant posées, la voici qui critique l'impossibilité pratique à accepter la proposition socialiste. La présence obligatoire d'un avocat dès le début de la garde à vue pourrait freiner la procédure d'instruction si ce dernier tarde à venir : «Supposons que l’on retienne la présence de l’avocat obligatoire dès le début et tout au long de la garde à vue ; que se passera-t-il si l’avocat ne se présente pas, soit parce qu’il ne le veut pas, soit parce qu’il est empêché pour des raisons diverses ? Que se passera-t-il si la situation – séquestration ou enlèvement, par exemple – exige une réaction très rapide ?» C'est l'unique raison invoquée pour refuser le projet. Elle renchérit en soulignant le trop faible nombre d'avocats en France pour satisfaire ces nouvelles demandes : «Sur les 52 000 avocats, nombreux sont ceux qui touchent aujourd’hui un revenu inférieur au SMIC. Allons-nous – et j’exclus les gardes à vue pour infractions routières – pour faire face aux 500 000 gardes à vue, dont le nombre va je l’espère baisser, créer 50 000 ou 100 000 postes d’avocats supplémentaires ? Comment vont-ils vivre ? Soyons raisonnables ! De toute façon, où va-t-on trouver ces avocats ? Exerceront-ils au fin fond de la campagne ? Je ne le pense pas. Un véritable problème d’organisation se pose aujourd’hui.»
Pourtant, les suggestions ne manquent pas pour faire face à ses difficultés matérielles, comme l'enregistrement systématique des auditions si l'avocat est absent, ou l'autorisation préalable par un magistrat de toute prolongation de garde à vue. Mais le refus, tant par l'UMP que par gouvernement, reste inchangé.
Une Garde des Sceaux invoque les faibles moyens de la justice pour refuser une amélioration législative des droits de la défense, face à des abus de procédures reconnus par tous... C'est l'un des paradoxes, nombreux, de Sarkofrance.
Depuis ces échanges, la réforme de la procédure pénale a pris du plomb dans l'aile. La Garde des Sceaux pense à la scinder en deux parties, afin de faire passer sans attendre les dispositions (insuffisantes) relatives à la garde à vue.


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