J’ai toujours eu goût pour des autobiographies, surtout lorsqu’elles sont rédigées avec grâce, celle de la lucidité et de la poésie. Celles qui n’ont pas prétention de ‘documentaire objectif’ (vain souci), mais le souci d’une maîtrise d’écriture dans ‘le labyrinthe de la vie’, récits teintés d’émotion, d’humour et fantaisies, ce qui n’exclut pas la grave méditation, devant la mort… J’ai beaucoup aimé, par exemple, ‘Les mots’, de Jean-Paul Sartre… que de ‘savants sartriens’ dédaignent parfois bêtement. Puisque j’ai gardé au coeur ma lointaine ‘vie égyptienne’ (d’enfant et d’adolescent), j’ai aussi eu goût de lire pas mal de biographies de grands leaders arabes du xx°siècle (Nasser, Arafat, Ben Bella, Boumediene, Ben Barka…), ainsi que celle que Gilles Perrault consacre à Henri Curiel (‘Un homme à part’, 2 volumes, en poche). Mais je tiens surtout à citer ces 4 autobiographies magnifiques :
- du palestinien Edward Saïd, ‘A contre-voie’ (Le serpent à plume)
- du palestinien Georges Habache, ‘Les révolutionnaires ne meurent jamais’ (Fayard)
- de l’égyptien Samir Amin, ‘Itinéraire intellectuel’ (L’Harmattan)
- du marocain Abdellatif Laâbi, ‘Le livre imprévu’ (La Différence), que je viens de lire et que je replace d’abord dans ce bon voisinage, avant d’aller plus loin.
Car plus loin, Laâbi se défend d’avoir voulu faire son autobiographie. C’est exact : il voyage dans l’espace et le temps, ainsi que dans sa langue si talentueuse de poète. Sa verve nous emmène donc dans son ‘labyrinthe’ : ce qui nous donne une autobiographie bien plus chaleureuse qu’un vain effort de rationalité du récit, le marocain Abdellatif est d'abord un poète et écrivain de langue française hors pair, qui peut rendre jaloux bien de nos vaniteux 'hexagonaux' (des deux sexes) ! En 219 pages, nous voilà en voyage d’un chapitre à l’autre, aux titres bien divers. ‘Journal, La valise rouge, Le syndrome andalou, Bonjour Jérusalem, Pied de nez au Mur, Mahmoud et les autres, Mon amie la fourmi, L’île des Ravageurs, Couloir de la mort, Plus forte est la vie’. Dans ce dernier chapitre - un épilogue sans le nom -, il écrit sa méditation de grand-père face au berceau du nouveau-né : ‘Je n’ai rien d’autre à te léguer que ce livre se présentant comme un labyrinthe où l’on passe de la poésie à la prose, du théâtre au conte, de la colère à la méditation, de la folie à la sagesse. De nombreux voyages, réels et imaginaires, y sont proposés. Je prétends qu’on peut y lire aussi une belle histoire d’amour et que partout, même si le sujet est grave, le sourire n’est pas loin, quand ce n’est pas le rire franc, utilisé en abondance pour se nettoyer des saletés de la bêtise.’