La comédie sociale des figures emblématiques de Groland fonctionne à plein régime pendant une bonne heure, incisive, tendre et hilarante, enchaînant les moments de jubilation avec une aisance déconcertante. Depardieu y délivre sa performance la plus juste depuis des lustres. Le problème c’est que Kervern et Delépine ne parviennent pas à maintenir le cap de leur film sur toute sa longueur, perdant le contrôle dans la dernière demi-heure, semblant ne pas vraiment savoir où aller et comment conclure, oubliant le rythme, n’arrivant plus conserver le ton mordant, et le film s’achemine doucement vers un dernier acte mollasson très décevant.
Les compères enfilent tout de même suffisamment de perles niveau sketches pour laisser un bon souvenir à la sortie de leur film. D’autant qu’on n’est pas prêt d’oublier la fameuse scène, une scène qui est un peu à Mammuth ce que la séquence de poursuite à poil dans l’hôtel était à Borat. Bon les français vont bien moins loin que Sacha Baron Cohen, mais il y a ce même grain de folie et de stupéfaction dans cette séquence. Deux hommes, leurs jeunes années depuis longtemps oubliées (Gérard Depardieu et Albert Delpy, père de), nus sur un lit… se masturbant l’un l’autre. Si si. Sans déconner. Bon, Delépine et Kervern ont cadré le plan de façon à ce qu’on ne voit rien en dessous de la ceinture, mais tout de même, la crudité humoristique de la scène laisse pantois. Et hilare, évidemment, car voir ces deux vieux tout nus sur leur lit cherchant à atteindre l’extase comme lorsqu’ils étaient ado, c’est méchamment drôle.
L’ardeur et les sentiments sont palpables. Pour un film tourné clandestinement pour contourner la censure chinoise en générale, et en particulier l’interdiction de tourner qui frappe Lou Ye, la maîtrise scénaristique du film, qui a pourtant dû composer avec les restreintes constantes, est remarquable. Le centre du scénario évolue avec naturel, basculant d’un triangle à un autre avec un naturel remarquable. Les personnages glissent, mais l’amertume demeure, elle imprime inlassablement la pellicule, ne semblant capable de rendre les armes qu’après une séquence de toute beauté dans un karaoké qui laisse ensuite la place un bref instant à la possibilité du bonheur, bien illusoire et éphémère. Gris de cœur, Nuits d’ivresse printanière se libère lors de scènes de sexe fiévreuses habitées par le comédien Qing Hao.
A la fin du week-end, j’aurais tout de même eu l’impression d’avoir vu bien trop d’hommes se masturber sur grand écran. Même si concrètement on ne voyait rien, ça fait beaucoup pour un week-end. Heureusement que je ne suis pas allé voir Camping 2, je me souviens que dans la bande-annonce, Antoine Duléry s’y baladait à poil. Non merci Camping 2.