L'idée m'est venue de publier une série de notes en utilisant comme base, les hexagrammes du Yi-king.
Je vais vous expliquer en quelques mots l'histoire et le principe de ce livre philosophique chinois dit « Livre des mutations ou des changements » dont les racines remonteraient à plus de 4000 ans avant Jésus-Christ d'après la tradition élaborée par les Han de 206 av. JC à 220 ap J.C ( historiquement un millénaire ). Les hexagrammes furent originellement utilisés par les devins chinois qui employèrent des os, des carapaces de tortue et par la suite de l'achillée à des fins divinatoires interprétant les figures selon la philosophie du Yi-king. La symbolique du Yi-king se réfère principalement au premier système structurant de la chine: il était féodal et principalement rural. Pour ma part, je ne considérerai que la portée philosophique de ce livre déroutant, laissant de coté toute autre interprétation possible.
Le Yi-king est le fruit d'une recherche spéculative et cosmogonique élaborée, dont les articulations ont informé durablement la pensée chinoise. Sa structure mathématique a impressionné Leibniz, qui y aurait vu la première formulation de l'arithmétique binaire.
Il me semble important de vous résumer les bases de ce livre de près de 900 pages où le texte ancien est clairement dissocié des commentaires traditionnels qui le suivent. Tout naît du Yin et du Yang, du souple et du ferme matérialisés par un trait discontinu pour le premier et d'un trait continu pour le second avec la possibilité, que l'un vieillissant, peut se transformer en l'autre.
L'idée de les coupler est immédiate, deux traits discontinus l'un au dessus de l'autre forment un vieux Yin ( très ou trop souple ) et deux traits pleins forment un vieux Yang ( très ou trop rigide ). Mais quelle interprétation peut-on faire d'un trait plein et d'un trait discontinu ensemble? L'idée de jeunesse dynamique semble pertinente, mais alors qui donne le sens de cette union?
C'est celui qui est au dessous de l'autre, car il naît à la vie du dessous vars le dessus, telle une germination. Un trait Yin sous un Yang sera un jeune Yin, un peu trop jeune pour être sage mais plein de vitalité et il en sera de même pour la configuration inverse qui donnera un jeune Yang. C'est donc la place du dessous qui sera la place maîtresse.
L'idée d'empiler ces couples de deux traits l'un sur l'autre est aussi naturelle, le couple du dessous représenterait la terre, au milieu les traits seraient ceux de l'homme et au dessus il y aurait le ciel. Ceci constitue un hexagramme de 6 traits brisés ou non, empilés les uns sur les autres. Les plus matheux d'entre vous remarqueront qu'il y a 2 possibilités pour chacun des traits et donc 2x2x2x2x2x2=64 hexagrammes possibles ( et non 2+2+2+2+2+2 !). Les rapports entre les traits construiront le sens interne de l'hexagramme. La possibilité qu'ils ont de chacun se transformer en leur opposé donnera une dynamique externe. Cependant, l'interprétation de 3 couples de 2 traits pouvant chacun prendre 4 interprétations semblait trop pauvre, en effet que faire avec nos vieux ou jeunes yin ou yang, quel sens précis leur donner, quel sens philosophique pouvait en ressortir? Il aurait certainement été possible d'interpréter l'empilement avec ses trois couples comme éléments premiers mais une idée plus fine est apparue dans la tête de nos vieux sages chinois: et si l'on regroupait ces traits par 3 et non par 2, le sens en serait immédiat et l'hexagramme se transformerait en 2 trigrammes. Tentons l'expérience.
Trois traits pleins très durs, lumineux et rigides représenterait le Ciel avec toute la puissance qu'on peut accorder à ce terme.
Trois traits discontinus très mous, soumis, représenteraient la Terre nourricière.
1 trait plein sous 2 traits discontinus représenterait le Tonnerre qui jaillit, l'énergie qui naît, l'impulsion et le déclenchement.
1 trait discontinu sous deux traits pleins serait le Vent qui pénètre tout, même ce qui est dur, le souple qui va dans le rigide, ce pourrait être aussi le Bois, par exemple celui des racines qui parviennent à venir à bout de toute construction avec le temps.
1 trait plein au milieu de deux traits discontinus matérialise la lumière précipitée au milieu de l'obscurité. Cet hexagramme souple à l'extérieur possède aussi une force intérieure, un feu interne. Symbole de danger , d'abîme, cette énergie peut aussi s'avérer vitale. Cet hexagramme sera associé à l'Eau et à la symbolique qu'on lui connaît.
1 trait discontinu au milieu de 2 traits pleins représentera le Feu, symbole de la séparation de ce qui était rigidement lié et de l'intelligence qui se diffuse, tout comme la souplesse de la flamme se nourrit de son combustible extérieur.Le feu se nourrit de son combustible.
1 trait plein au dessus de deux traits discontinus sera la Montagne, immuable, inébranlable. La lumière et la force en haut domine de sa majesté toute la vallée douce.
1 trait souple au dessus de 2 traits pleins sera le calme du Lac, ou des nuages. Une endroit paisible ou la douceur passe au dessus de la rigidité.
L'interprétation de ces trigrammes peut se faire de façon anthropomorphique, chacun d'entre eux pouvant s'interpréter comme des qualités ou des défauts, devenir de pâles traits de caractères de l'homme ordinaire ou au contraire des qualités parfaites de l'homme noble. Il peuvent aussi être associés à des membres de la famille, le père la mère et les enfants dont la présence minoritaire d'un trait donne le sexe de ce trait à l'un des membres de la fratrie.Ce peut être aussi des directions, très importantes à l'époque considérée ( invasions, intempéries...). Ils possèdent des dynamiques propres, le Ciel monte et la Terre descend, l'eau descend et le vent monte et pénètre, la montagne immobilise, le tonnerre et le feu montent.
Dans un hexagramme, chaque place peut s'interpréter de façon particulière et avoir un lien privilégié avec une autre place. Si l'on numérote les places de bas en haut et de 1 à 6, le premier trait (celui du bas), est faible donc Yang,c'est par lui que tout commence. Au dessus de lui, la place Yin est celle du haut fonctionnaire, il possède un peu d'autonomie mais pas d'indépendance. Le 3ème trait termine le premier trigramme mais voit au dessus de lui le trigramme supérieur entier ce qui rend sa position délicate. Le 4 ème trait, le premier du 2ème trigramme est celui du ministre et c'est le 5ème trait qui possède la position du souverain, 5ème trait qui gouverne l'hexagramme, sa place devant être Yang car c'est ici que se prennent les décisions et que la force doit être concentrée. Le 6ème trait un peu trop au dessus des choses de ce monde, est celle du sage ou de l'insensé, du visionnaire ou de celui qui arrive trop tard, lorsque tout est consommé. Les relations entre les traits sont donc codifiées et il est possible que certains soient isolés ou au contraire en harmonie suivant leur place et le fait qu'ils soient Yin ou Yang.
Il faut faire attention à une interprétation trop rapide des hexagrammes que je vais illustrer par deux exemples: considérons l'hexagramme où tous les traits seraient à leur place, le premier Yin puis la seconde Yang, on voit en poursuivant ainsi que l'eau est sous le feu, feu qui monte et eau qui descend... Pas très bon tout cela! Et pourtant tous les traits sont à leur place, alors quel est le problème ? Et bien le problème c'est justement ça, car la roue tourne et le fait que les choses soient à leur place demande la plus grande vigilance, car il n'y a que très peu de raisons que la situation dure bien longtemps, nous sommes donc Après l'Accomplissement, il est déjà bien tard. Une situation qui paraissait parfaite statiquement devient, lorsqu'on l'interprète à la lumière des changements, bien inconfortable.
Un deuxième exemple permet aussi d'illustrer une situation du même type. Considérons l'hexagramme constitué de 3 traits discontinus au dessous de 3 traits continus, soit le Ciel au dessus de la Terre. Quel paysage de rêve pourrait-on penser! Pas si sûr car la Terre descend et le Ciel monte, cet hexagramme n'augure pas une situation très favorable, il est d'ailleurs associé au déclin, à la décadence, à l'obstruction alors que l'hexagramme symétrique du premier où la Terre est au dessus du Ciel, traduisant ainsi une volonté d'entraide et de rapprochement, n'est pas du tout associé à un monde renversé, la tête en bas, mais bien au contraire à la prospérité, à la tranquillité.
C'est donc autour de cet univers du Yi-king que j'ai décidé de produire 64 textes s'appuyant sur les messsages des hexagrammes, qui reflétront ma passion pour les mathématiques et les sciences en général, mon esprit plongé dans notre monde actuel, emporté avec les différents flux de tous ordres qui nous assaillent, par le tourbillon de la vie et de ses changements inéluctables. Je ne sais pas si cette idée sera menée à son terme, si elle est bonne et si j'aurai le courage d'écrire autant de textes. J'essayerai toujours de maintenir cet équilibre de l'ouverture maximale et du souci de la rigueur qui m'ont animés jusqu'à maintenant pour alimenter ce blog.
J'espère que l'idée vous séduira, en tout cas, en ce qui me concerne elle m'intéresse. Le choix des hexagrammes est entièrement aléatoire et est généré par la séquence Int ( 64*Ran#+1) de ma calculatrice. Le premier numéro qui est tombé est le 62, il correspond dans le classement arbitraire des hexagrammes au Tonnerre sur la Montagne, c'est à dire au Petit en excès, à l'Accouchement du petit. Si le sujet vous intéresse, je vous envoie sur l'adresse suivante pour vous permettre de vous habituer un peu à cette philosophie ICI et sur Wikipédia ICI, en attendant la note que je vais commencer à écrire. J'espère qu'elle sera prête pour Noël. N'hésitez pas à me laisser votre avis sur cette idée farfelue ou intéressante.
La traduction de Philastre téléchargeable en cliquant sur le livre:
Peinture Muriel Bonneville : ICI