Retour sur le lancement par Kadhafi du djihad contre la Suisse « mécréante »

Publié le 27 avril 2010 par Roman Bernard
1. Berne contre Tripoli : le contexte
On le sait, le torchon brûle entre Berne et Tripoli depuis, notamment, l’interpellation musclée d‘Hannibal Kadhafi, l‘un des fils du dirigeant libyen, et de son épouse, intervenue en juillet 2008, à Genève, à la suite de plaintes pour mauvais traitement déposées par deux de leurs domestiques. Ceux-ci avaient finalement retiré leur plainte et étaient parvenus à un accord avec leurs employeurs. Tripoli n’en avait pas moins pris des sanctions contre la Suisse, en retirant ses avoirs des banques suisses, en expulsant les sociétés helvétiques installées en Libye et en annonçant l’arrêt de ses exportations de pétrole vers la Confédération. Berne avait alors riposté en imposant une politique restrictive de visas Schengen pour les ressortissants libyens. Tripoli avait également procédé, à la même époque, à l’arrestation de deux hommes d’affaires de nationalité suisse, Max Gijldi et Rachid Hamdani, qui furent jugés pour « séjour illégal » et « exercice d’activités économiques illégales ». Le second a été blanchi et a pu quitter la Libye le 23 février, mais Gijdli, lui, continue à purger sa peine de prison.
2. Le djihad libyen contre la Suisse « mécréante »
Le « djihadisme » semble être à la mode aujourd’hui mais contrairement à une idée reçue, la violence et l’hystérie conquérante affichées par l’islam djihadiste n’est nullement le signe d’un regain de force et de vitalité qui animerait la religion islamique dans son entièreté, que du contraire. Et cette crise diplomatique entre Tripoli et Berne le prouve. En effet, la surenchère libyenne contre la Suisse, petit pays neutre, paraît largement relever de la ridicule dramatisation. Avant de décréter un « embargo total » sur tous les échanges économiques et commerciaux avec la Suisse (les produits libyens, essentiellement du pétrole, ne représentent que 0,42 % des importations suisses, quant aux exportations suisses vers la Libye, elles ne représentent que 0,08 % des exportations suisses ; en 2009, le pétrole libyen représentait entre 20 et 30 % de l‘approvisionnement en pétrole de la Confédération) et décidé de se tourner vers « d’autres alternatives » en ce qui concerne son approvisionnement en médicaments et en équipements médicaux et industriels, le colonel Kadhafi, dont on sait qu’il n’a jamais brillé par sa religiosité, avait-il vraiment besoin de déclarer que tous les musulmans qui travaillent avec la Suisse sont des « apostats », d’appeler les musulmans à mener le djihad contre la Suisse « mécréante », prétendument en riposte à l’interdiction de la construction de minarets dans la Confédération helvétique, jugeant au passage que la politique de la Suisse est « hostile à l’islam » et, je cite, « à ses actions téméraires » ? On savait le colonel Kadhafi amateur de revirements vaudevillesques, on ne le connaissait pas pathétique.
Éric Timmermans
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