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Chaque série rêve d’arriver à une centaine d’épisodes. C’est la preuve irréfutable qu’elle compte parmi les shows à retenir dans l’histoire de la télé, ou tout simplement que les soap où deux familles riches s’affrontent sont has-been depuis les années 70. C’est suffisamment rare pour en faire des épisodes spéciaux.
Et alors que South park le fait pour une deuxième fois (et sont donc encore loin des Simpsons), Trey Parker et Matt Stone ont décidés de frapper un grand coup. Définitif, indispensable, culotté et furieusement crétin, ce double épisode est une pièce maîtresse du show, une date à retenir, un maelstrom d’humour tellement régressif et incorrect qu’il met une nouvelle fois ses auteurs face à la polémique, à la censure, et aux menaces d’assassinats (tiens c’est nouveau ça). A une époque où la moindre impertinence est tuée dans l’œuf, où les artistes n’ont plus le dernier mot, et où l’on se préoccupe d’abord du sort des actionnaires avant les spectateurs, South Park n’est plus qu’une simple bouffée d’air frais. Le show est devenu un symbole de liberté salvatrice, un acte politique face aux diktats du système.
Tous ceux n’y voyant qu’un programme abrutissant les masses à base de pipi caca prouvent encore le bien fondé d’un tel show, et son existence nécessaire.
En dehors de toute polémique, cet épisode double s’avère un cadeau incroyable pour les fans. Là où d’autres se seraient contentés d’un bête clip show retraçant les meilleurs moments de la série, Trey Parker convoque ici tous les moments cultes du show dans une intrigue dantesque, multipliant les références et les appels du pied aux spectateurs littéralement hilares.
On frise les multiples crises cardiaques devant ces deux épisodes s’adressant principalement aux fans hardcores du show, eux seuls étant capables de saisir pleinement les multiples allusions aux saisons passées. Le ton de l’épisode flirte ainsi constamment avec les conventions narratives, tout en offrant l’une des intrigues les plus ambitieuses du show.
Les retours et autres révélations sont nombreux (et les révéler ici serait criminel), et les auteurs explorent encore leur capacité à pouvoir rire de tout. L’incident Mahomet est donc ici l’occasion de rire du politiquement correct à outrance, et sa résolution s’avère un sacré pied de nez aux polémistes et censeurs de tous bords, jugeant un élément sans en approfondir la structure. Deux points à préciser vis-à-vis de la polémique actuelle : les autres religions sont visibles dans cet épisode, et dans un jour bien moins glorieux, sans que la censure fasse des siennes. Et Mahomet a déjà fait une apparition dans South Park, Saison 5 Episode 4, et le tout était passé comme une lettre à la poste. Synonyme de l’époque glorieuse dans laquelle nous vivons, le combat quotidien que mène des shows comme South Park pour la liberté de ton paraît encore une fois primordial.
La morale de l’épisode, entièrement censurée, aurait pu s’apparenter à une fabuleuse blague, ultime pied de nez des auteurs face à leur chaîne sans aplomb. Hélas, on a depuis appris que cette censure (totalement sans fondement et insupportable à ce moment de l’épisode – imaginez un bip long de plusieurs minutes) provient de Comedy Central uniquement.
Dommage, l’ensemble n’en aurait été que plus ultime.
Ce double épisode anniversaire se révèle être le fantasme rêvée du Fanboy, et surtout un acte militant dans une société où le politiquement correct règne tellement en maître que l’humour n’a plus lieu d’être. A croire que le second degré n’existe pas partout. Si Desproges n’a jamais eu autant raison, South Park a fait bien pire dans le passé.
La polémique gâche la fête et c’est triste, mais nous avions bien là l’un des meilleurs épisodes de la série.
10/10Egalement publié sur Series Addict