Antoine est un brillant informaticien sans ambition professionnelle particulière. Peu enclin à batailler dans un milieu où la concurrence fait rage, il se contente du même poste depuis des années et ne cherche aucunement à monter en grade. A la maison, c’est pareil. Sa compagne Pascale décide de tout, il ne fait que suivre le mouvement. Une indolence qui donne parfois l’impression à ses interlocuteurs d’avoir face à eux un « éternel étudiant dégingandé à l’humeur égale, indifférent à la plupart des événements. »
La vie d’Antoine est bouleversée le jour où il découvre le poker. Il trouve dans ce jeu où les statistiques sont aussi importantes que le facteur chance une raison d’exister qu’il n’avait jusqu’alors jamais connu. Cornaqué par son ami Louis, il développe des capacités d’analyse et de concentration exceptionnelles qui ne tardent pas à faire de lui un joueur de très bon niveau. De Paris à Las Vegas, Antoine va connaître une ascension fulgurante qui ne se fera pas sans embuches. Plus dure sera la chute…
Jean-Sébastien Hongre relève un pari difficile avec ce premier roman : abordé le thème du poker sans noyer le lecteur en surchargeant le texte avec le détail des parties et les descriptions ennuyeuses des nombreux coups joués au cours d’un tournoi. Le texte n’est ni une apologie ni une dénonciation du « phénomène poker ». Ce n’est tout simplement pas le sujet. Bien sûr, le personnage principal est un joueur de poker, mais il ne faut pas s’arrêter à cette caractéristique. C’est avant tout l’histoire d’un homme en souffrance qui cherche à donner un sens à sa vie au moment où tout s’écroule autour de lui (notamment et surtout sa vie conjugale). L’analyse psychologique proposée par l’auteur est à ce titre extrêmement réussie. Le processus qui va mener Antoine vers la folie est décrit avec justesse et l’enchaînement des événements est limpide. La plus grande réussite réside sans doute dans le fait que le lecteur est « embarqué » par le déroulement de l’intrigue et veut savoir comment tout cela va se terminer.
Bien sur, le roman souffre de quelques faiblesses. L’écriture est essentiellement psychologique et très peu visuelle. Les scènes se passant à Las Vegas manquent peut-être de descriptions plus « littéraires » qui auraient magnifiées l’aspect démesuré et complètement fou de cette ville unique. Par ailleurs, les ellipses nombreuses et très brutales (l’histoire avance parfois de plusieurs années en quelques lignes) gâchent un tantinet la fluidité du récit. Dernier point assez déplaisant, certains effets de dramatisation semblent un peu gratuits et n’apportent pas grand-chose à l’histoire (l’accouchement difficile ou la disparition de Louis).
Il n’empêche, pour un premier roman, Jean-Sébastien Hongre propose un texte de qualité, finement pensé et fort ambitieux. Saluons donc la naissance d’un écrivain auquel je souhaite une longue et belle carrière.
Un joueur de poker, de Jean-Sébastien Hongre, édition A. Carrière, 2010. 196 pages. 17 euros.
Merci à Livraddict et aux éditions Anne Carrière de m’avoir permis de lire ce livre dans le cadre d’un partenariat.
L’info en plus : les livres consacrés au poker ne sa cantonnent plus aux manuels techniques permettant d’apprendre à mieux jouer. Si le roman de Jean-Sébastien Hongre est la première fiction « psychologique » abordant le sujet, les éditions First ont publié fin mars le premier thriller écrit à quatre mains ayant pour thème principal le poker. Son titre ? Une partie en enfer. Ses auteurs ? Florian Lafani et Gautier Renault. Son pitch ? « De Boston à Paris, des plages de Nassau aux tables de poker de Las Vegas, bluff et ambition guident les trajectoires de Lars, Hugh et les autres... Autant d'individus qui participent sans le savoir à une seule et même partie » (4ème de couverture).