Alain Juppé : rassemblement !

Publié le 27 avril 2010 par Argoul

Tous, ils veulent rassembler. A gauche, à droite, au centre, ailleurs, ils ne parlent que de rassemblement. Jamais la France n’aurait été si divisée selon les politiciens. La faute à qui à votre avis ? Mais à eux-mêmes !

De Gaulle avait une certaine idée de la France, ce qui lui a permis de s’opposer violemment aux forces défaitistes, y compris à son vieux maître Pétain auréolé de 14-18. Son rassemblement était sous sa bannière et « tout le monde » y adhérait puisque la collaboration était honnie et que lui incarnait la France.
Mitterrand n’avait qu’une idée, garder le pouvoir, et son rassemblement consistait à diviser pour mieux régner. Il y était passé maître, commandant des études discrètes à différents courants de la gauche pour mieux les mettre en face de leurs contradictions. Son rassemblement était mise au pied du mur : « alors, on fait quoi, hein ? » Delors avait eu Fabius ainsi sur la rigueur, puis Jospin avait eu Rocard…
Chirac était rassembleur parce qu’il ne faisait rien. Dès que l’un de ses Premiers ministres tentait quelque chose, Juppé, Villepin, il les encourageait à aller au casse-pipe avant de décider, royal… de surtout ne rien décider. « Je promulgue la loi, mais je demande qu’elle ne soit pas appliquée » : quel bel exemple de rassemblement de tous les mécontents sur le rien de rien !

Dans un article du Monde le 11 avril (lien abonné ici), Alain Juppé veut lui aussi rassembler. Par le style, le temps, la recherche du consensus :

· Le style : « On ne peut pas tout faire en même temps, en bousculant trop d’habitudes à la fois et en coalisant trop de mécontentements ».
· Le temps : « Quand quelque chose n’est pas compris, mieux vaut se donner le temps de rectifier le tir ».
· La recherche du consensus : « J’ai trouvé détestable tout ce qui était de nature à monter les communautés les unes contre les autres » - « l’identité nationale », « les bonus, les retraites chapeau, toutes ces rémunérations extravagantes qui se chiffrent à des millions d’euros et que rien ne justifie alors qu’on explique par ailleurs qu’il n’est pas possible d’augmenter les salaires de 20 euros. »

Son « offre », encore limitée par les seuls 34% de Français qui le voient en président, ne porte pour l’instant que sur le logement des pauvres et la fiscalité à revoir. Rien de plus, sinon un « gaullisme [qui est] une pensée politique qui allie patriotisme et humanisme ». Chirac était « roupillant et en bout de course », Sarkozy connaît un « désamour incontestablement lié au style », Villepin est anti-Sarkozy par ressentiment personnel. Alain Juppé, le rassembleur, les aime tous : de Gaulle, Chirac, Sarkozy, Villepin, les « sensibilités différentes » de l’UDF par exemple « contre la cupidité ». Il se pose donc en rassembleur du « pôle majoritaire » composé de « courants ». Un vrai François Hollande de droite quoi. Il appelle à la synthèse.

Mais un bon petit soldat peut-il faire un grand général ? Bien obéir, « droit dans ses bottes », permet-il de savoir commander les divergences, canaliser les ambitions, imposer une action aux diversités ? Alain Juppé fut Premier ministre ; comme Villepin, il s’est obstiné à contre-courant, persuadé d’avoir la raison pour lui. Technocrate, a-t-il changé ? Il est à craindre que non, comme le révèle sa phrase sur les retraites : « Quand on est au pied du mur et qu’on doit assumer ses responsabilités, il n’y a pas trente-six solutions. » Pas trente-six, non, une seule, celle du technocrate persuadé d’avoir la raison pour lui. Et l’emploi, à la finlandaise ? Et le compte personnalisé à point, à la suédoise ? Et la dose de capitalisation, à la hollandaise ? Et le fond de réserve des retraites, à la norvégienne ? Pfuit ! Tout cela est évacué au profit des « paramètres » - un grand mot langue de bois.

Vous avez dit pensée unique, Monsieur le rassembleur ?