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Praxitèle, froid et chaud

Publié le 04 mai 2007 par Marc Lenot

au Musée du Louvre, jusqu’au 18 Juin.

De ce sculpteur père de tous les sculpteurs, de cet inventeur du nu féminin, de ce découvreur du déhanchement érotique précurseur du contrapposto, on ne sait rien, et surtout on n’a rien. A peine un ou deux fragments que tel docte savant croit pouvoir lui attribuer. Mais il fut copié à profusion par les Romains.

Cette exposition a choisi d’être scientifique : elle recense copie après copie, certaines émouvantes, d’autres grossières, marbres étincelants dans ces salles obscures. C’est certainement instructif pour l’érudit ou l’apprenti conservateur, mais la beauté s’évanouit au milieu de trop de pédanterie. La plus belle Aphrodite de Cnide, la plus belle Vénus d’Arles (ci-contre) ne peut reluire au milieu d’un alignement indigeste de ses soeurs inégales. Elle aurait mérité un piédestal, un traitement de princesse, au lieu de cette indigestion de marbre et de notices savantes.

Deux joies, pourtant. D’abord la désopilante fascination dixneuviémiste pour Phryné, maîtresse et modèle de Praxitèle: pour obtenir son acquittement d’une accusation d’impiété, son avocat la dénude prestement devant l’Aréopage; détaillez l’expression des juges ! Thème voyeur qui ravira peintres et sculpteurs, l’apothéose étant le tableau ci-contre de Gérôme, kitsch à souhait. C’est aussi le chapitre le plus distrayant du gros catalogue (dans lequel vous pourrez rêver, page 112, à l’Ephèbe de Marathon, qui n’a finalement pas été prêté).

Et puis, au moment où vous vous dirigez vers la sortie un peu déçu, vous vous trouvez nez à nez avec un bronze qui flotte dans l’air, bronze patiné, abîmé par son séjour marin. Lui manquent deux bras et une jambe, mais cette amputation le rend encore plus tragique, encore plus beau. Son corps se tend outrageusement dans une extase dansante, orgiaque, dionysiaque. Son visage juvénile aux yeux révulsés, à la bouche entrouverte, traduit un plaisir hors de ce monde. Rien ne dit que ce Satyre, repêché en 1997/98 au large de Mazara del Vallo en Sicile, soit un Praxitèle. Mais sa beauté dérangeante apporte enfin un peu d’émotion dans cette trop sage et savante exposition. 

Ailleurs peu d’articles, eux sont divisés, et elle (très attentive aux morphologies) un peu déçue.


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