Ségolène Royal doit faire "bouger les lignes" pour reconquérir un espace politique majeur. Le retour en première ligne d'affaires peut l'aider significativement.
Le 26 avril 1995, une agence du Crédit du Nord localisée à Paris reçoit 10 000 000 de frs à créditer sur le compte de l'Aficeb (association pour le financement de la campagne d'Edouard Balladur). 5 000 000 de frs sont des billets de 500 frs. 10 000 billets de 500 frs supposés collectés lors des ... réunions publiques d'Edouard Balladur où comme chacun peut l'imaginer les présents ne connaissaient que des billets de 500 frs...
C'est l'un des points de l'enquête conduite par un journaliste de Libération publiée dans le quotidien Libération d'aujourd'hui.
Ce seul exemple pratique montre, si besoin était, combien la France évolue dans un univers irréel en matière de financements politiques. Pourquoi l'argent dans la vie politique est-il toujours traité avec aussi peu de souci de vérité et surtout de transparence ?
La lecture des débats devant la Cour de Justice de la République sur le dossier Pasqua relève du même "univers". Les financements sont établis. La seule question est celle de l'imputabilité. En la matière, un des intermédiaires étant "mort au passage" (Léandri), sa mémoire est loin d'être épargnée et favorise toutes les explications possibles ...
Pendant encore combien de temps la politique française va-t-elle se complaire dans ces mensonges et ces hypocrisies ?
Pourquoi la transparence sur les campagnes électorales n'était-pas obligatoire ?
Pourquoi les préfectures ne sont-elles pas les garantes de cette transparence lors des campagnes locales alors qu'il faut s'en remettre aujourd'hui à une commission nationale totalement débordée ?
Pourquoi le détail des comptes n'est-il pas tenu public notamment via Internet ?
Tant que des questions de ce type demeureront, c'est que l'argent pourrit la vie politique française.
Prenons l'exemple des Etats-Unis, les comptes des candidats sont publics. Il est possible de connaître le nom de chaque donateur avec le montant précis de sa contribution. Dans le dossier de la moralisation de Wall Street, les journalistes ont montré qu'Obama avait-été financé par des banques pour un montant supérieur à McCain.
Obama, avec cet éclairage, a dû montrer son indépendance face à ses donateurs en accélérant et amplifiant les contraintes dans la moralisation de Wall Street.
De même en France, il faudrait punir avec sévérité les travaux électoraux pris en charge par des collaborateurs financés sur des comptes publics. C'est un réel détournement d'argent public. Il ne revient pas aux contribuables de financer le collaborateur d'un candidat.
Qui pourrait aujourd'hui s'engager que les candidats par ailleurs élus veillent à respecter une stricte frontière ne mettant jamais à contribution leur secrétariat par exemple pour s'occuper fut-ce partiellement de tâches électorales pendant une campagne ...?
C'est tout un pan de la vie publique française qui n'a jamais été réglé sérieusement ni par la droite ni par la gauche.
Plutôt que de leurrer l'opinion avec des affaires ponctuelles, il serait temps de mettre en oeuvre une réelle transparence des finances politiques pour moraliser une vie publique déjà terriblement fragilisée par de nombreux discrédits.
Ségolène Royal semble être l'une des présidentiables les mieux placées pour effectuer des actes forts en la matière.
Elle défend le retour à une morale publique digne de ce nom. Elle est à l'écart de tout fonctionnement d'appareil. Elle n'est pas susceptible d'être accusée de règlements de comptes à l'intérieur de la droite. Elle est la dirigeante la plus apte à témoigner d'une approche nouvelle en la matière.
Sa position mérite d'être observée avec la plus grande attention.