Le Haut conseil sur les Biotechnologie (HCB) a été institué en 2008 par la « loi OGM » pour éclairer le gouvernement notamment lorsqu’il est amené à voter sur de nouvelles autorisations d’OGM au niveau européen. Dans ce cadre, Le HCB a rendu vendredi public un avis relatif à la demande d’autorisation de mise en culture du maïs transgénique Bt11 de la multinationale suisse, Syngenta.
Avis consultable sur : http://www.ogm.gouv.fr/
Plusieurs organisations membres du HCB, Greenpeace, les Amis de la Terre, la Confédération paysanne, la Fédération nationale d’agricutlure biologique (F.N.A.B), et l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) ont rédigé conjointement une position divergente sur cette nouvelle recommendation :
Les problèmes parasitaires sur maïs sont avant tout liés à de mauvaises pratiques agricoles, comme la monoculture sans rotation, qui spécialisent les parasites et les adventices. Le cadre d’analyse imposé pousse à focaliser l’attention sur la comparaison entre un système « maïs Bt11 » et un autre système « maïs traité par un insecticide toxique dans les zones et les années de fortes infestations« , emblématique de ces mauvaises pratiques agricoles. Cette comparaison privilégiée laisse au second plan les informations les plus pertinentes pour fournir une information globale équilibrée sur les plans économiques, sociaux et éthiques. Il paraît bien plus urgent, pour un décideur politique soucieux d’encourager une agriculture durable, de comparer sur plusieurs années le système Bt11 à un système de bonnes pratiques culturales, basées entre autres sur la rotation des cultures, qui pourrait comporter plus de protéagineux, l’utilisation de semences adaptées et la lutte biologique si nécessaire. On verrait alors que le Bt11 n’a pas d’intérêt économique, ni pour l’agriculteur, ni pour la collectivité, mais qu’il encourage au contraire la fuite en avant vers des pratiques agricoles toujours plus néfastes pour l’environnement, la santé, les paysages et l’emploi, et qu’il génère des risques encore plus nombreux que le MON810.
Semblable au MON810 pour sa fonction insecticide, le Bt11 comporte également un gène modifié qui exprime une protéine lui permettant de tolérer le glufosinate, un herbicide total, breveté par une autre multinationale. La recommandation du CEES semble négliger l’analyse des possibles impacts de cette modification génétique, pariant sur un retour hypothétique du dossier en cas d’autorisation de cet herbicide sur le maïs, alors même que la réglementation concernant les autorisations de mise sur le marché des herbicides ne prévoit pas ce genre d’évaluation. Par ailleurs, plusieurs demandes de mise en culture de maïs OGM résistants au glufosinate étant « dans les tuyaux« , l’engagement non écrit de la firme détentrice du brevet de ne pas demander l’homologation de son produit sur maïs, ne constitue pas une garantie suffisante. Cette situation amène le CEES à proposer un plan de surveillance de la non utilisation des herbicides à base de glufosinate, spécifique au Bt11, plan dont la faisabilité, l’efficacité et le coût sont inconnus de tous.
Beaucoup d’incertitudes sur les conséquences environnementales, sanitaires et sociales mises en évidence, malgré le manque de fiabilité des données produites par le pétitionnaire, sont renvoyées aux plans de surveillance, censés être améliorés et dont le coût pour la collectivité n’est jamais pris en compte dans les calculs présentant les possibles gains financiers. Les gains supposés n’intègrent pas non plus les éléments concernant le coût des mesures de coexistence pour tous les acteurs, utilisateurs ou non de l’OGM Bt11, et pour la collectivité. En prenant en compte le surcoût de la semence, le prix inférieur de la récolte, et l’investissement inutile les années sans pyrales, les gains financiers annoncés deviennent des pertes réelles pour les producteurs.
Quant au problème des mycotoxines, la recommandation devrait souligner qu’il n’y a pas forcément de lien avec les attaques de pyrales. En effet, il est dit qu’en 2009, les infestations ont été très rares et pourtant 8% des récoltes de maïs grain on du être déclassées, alors même qu’il n’y a pas eu de déclassement en 2006, année de forte infestation.
Enfin, contrairement à ce qui est mis en avant dans cette recommandation, on ne sécurise pas les approvisionnements d’une industrie qui choisit de produire sans OGM en autorisant une culture OGM allogame, contaminante des cultures conventionnelles.
Ces quelques éléments, non exhaustifs, critiques de la recommandation relative à la demande d’autorisation de mise en culture du maïs Bt11 nous conduisent à émettre un avis divergent.
Le maïs Bt11 de Syngenta pourrait être autorisé à la culture en Europe très rapidement et signifier le retour des OGM dans les champs français. Si les ministres n’arrivent pas à constituer une majorité qualifiée pur décider du sort de cette plante génétiquement modifiée, ce sera la Commission pro-OGM de Manuel Barroso et de John Dalli qui trancheront comme ce fut le cas pour l’autorisation récente de la pomme de terre Amflora de BASF.