Pour Bayrou, «mutation ne signifie pas disparition»
Judith Waintraub - http://www.lefigaro.fr/30/11/2007 .
«Je ne me reconnais pas dans le projet de société de Nicolas Sarkozy, ni dans le projet politique du PS», a expliqué hier François Bayrou, en ouvrant le Congrès extraordinaire de l’UDF.
Mille cinq cents supporteurs de l’ex-candidat à la présidentielle ont participé hier au premier acte de la transformation de l’UDF en MoDem.
Un enterrement ? Non, une naissance. Dans le hall du Parc des expositions de Villepinte, François Bayrou clame son «allégresse». Tout l’enjeu de ce premier acte de la transformation de l’UDF en MoDem se résume pour lui à une formule, répétée à l’envi aux centristes mais aussi aux déçus du PS qui l’ont rejoint depuis la présidentielle : «Mutation ne veut pas dire disparition.»
L’explication a commencé dans le huis clos du bureau politique de l’UDF, en milieu d’après-midi. Bayrou a donné le ton par sa déclaration liminaire : «Le but de ma vie, c’est d’être indépendant et fort. Je défendrai l’identité d’une famille unitaire.» Malgré certaines réserves, l’«unité» s’est réalisée dans cette instance exclusivement composée d’UDF «historiques». Même le sénateur Michel Mercier, pourtant favorable à une alliance avec l’UMP à Lyon, a fait allégeance au fondateur du MoDem : «Si nous sommes tous là aujourd’hui, c’est parce tu nous as guidés et que nous t’avons suivi. Notre fidélité ne te manquera pas. Nous sommes la vieille terre, il y a aujourd’hui de la nouvelle graine. Nous allons tous produire ensemble.»
«Des débats bouillants»
François Bayrou n’en demandait pas plus. Persuadé que «la mayonnaise va prendre», il se dit «ravi» de «voir arriver les nouveaux adhérents, même si ça annonce des débats bouillants». La rédaction des statuts du MoDem, qui doivent être adoptés aujourd’hui, a déjà provoqué une minirévolution culturelle chez les centristes. «Nous avons intégré plus de mille amendements», assure le futur président du MoDem.
Mais les questions politiques de fond n’ont pas encore été abordées. François Bayrou s’est contenté d’adapter son «ni droite ni gauche» de la campagne présidentielle aux circonstances en proclamant : «Je ne me reconnais pas dans le projet de société de Nicolas Sarkozy, ni dans le projet politique du PS.» Ce qui ne l’a pas empêché d’ajouter, sans doute dans la perspective plus prosaïque des municipales, qu’«être centriste, c’est être capable de regarder à la fois à droite et à gauche».
En attendant ces échéances électorales, quand François Bayrou « regarde à droite », il ne voit rien qui lui plaise. La prestation télévisée de Nicolas Sarkozy ne l’a pas convaincu. Il y a relevé une «grande incohérence» : «Comment peut-on présenter les heures supplémentaires comme la panacée pour redonner du pouvoir d’achat et vouloir en même temps supprimer les 35 heures ?» Autre reproche : le président n’a «pas du tout parlé des petites retraites dont le candidat de l’UMP avait fait un thème de campagne». Son ancien rival a concédé du bout des lèvres un «progrès» dans le discours de Sarkozy : «Il ne fait plus de promesses intenables, il reconnaît qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses de l’État.» Compliment aussitôt tempéré par une précision : «C’est en grande partie à cause des cadeaux fiscaux qu’il a distribués.»
Quant aux centristes ralliés à la majorité présidentielle, Bayrou ne veut même pas en entendre parler : «Au centre, il n’y a que nous. Être au centre, ça veut dire être indépendant. Ailleurs, autour de l’UMP, il y a des poussières d’étoiles qui acceptent d’être des satellites.» De quoi alimenter le procès en «sectarisme» que les membres du Nouveau Centre font à leur ancien leader.
Le MoDem ne sera officiellement créé qu’aujourd’hui, avec le vote de ses statuts et l’élection de ses dirigeants. La «nouvelle architecture» que François Bayrou entend inventer a au moins un point commun avec l’UDF : il sera le seul candidat à la présidence du parti. Ce qui l’amuse mais ne le trouble pas un instant : «Eh oui, c’est normal que le fondateur d’un mouvement soit aussi son président.»