Le changeur au moyen-Age
Changeur au vu du droit d’ancien Régime
Les changeurs étaient des officiers chargés de recevoir dans les différentes villes des monnaies anciennes, défectueuses, étrangères, hors de cours, et de les payer en espèces courantes à ceux qui les leur apportaient. Ils devaient, en outre, remettre aux hôtels des monnaies les espèces ainsi reçues et aussi toutes les matières d’or et d’argent qu’ils avaient achetées. Les documents latins du moyen âge désignent le changeur par les noms de nummularius, campsor, cambitor, trapezeta. Le métier de changeur ne fut libre qu’exceptionnellement, par exemple quand Louis XI, pour développer le commerce, déclara en 4462 que l’exercice du change serait libre aux foires de Lyon pour « toutes gens de quelque estât, nation ou condition qu’ils soient fréquentans les dites foires, excepté les Anglois ». Mais la règle était que les changeurs fussent établis et surveillés par le pouvoir souverain. Les soigneurs justiciers, une fois qu’ils se furent rendus maîtres des droits régaliens, levèrent des redevances sur les tables de changeurs, se réservèrent ou, au contraire, abandonnèrent le droit d’établir ces tables, les vendirent ou les donnèrent. Pour citer quelques exemples, vers 1050,In comtesse d’Anjou, Agnès, accorda au monastère de Saint-Jean-d’Angély le privilège d’établir des tables de changeurs partout où bon lui semblerait dans l’étendue de son territoire. En 1154, Henri, comte de Champagne, confirma aux religieux de Saint-Ayoul de Provins, une rente de quarante sols qu’ils possédaient sur les tables des changeurs aux foires de Champagne. A ces foires, les changeurs étaient établis par les gardes, qui représentaient le comte. Au XIVe siècle, les changeurs étaient nommes par le roi et les généraux maîtres des monnaies ; on exigeait d’eux un stage de trois ans au moins chez un changeur. Ils étaient placés sous la surveillance et la juridiction de la chambre des monnaies. En 1443, l’évêque de Paris ayant fait citer devant lui les changeurs de Paris pour avoir vendu pendant des jours de fêtes, Charles VII interdit à l’évêque d’exercer aucune juridiction sur les changeurs, réservant la connaissance des causes où ils étaient impliqués à la chambre des monnaies. Après l’érection de cette chambre on cour souveraine, elle fut confirmée dans ce droit de juridictions par l’édit donné à Fontainebleau en janvier 1351 ; l’art. 5 porte : « La Cour des monnoies connoitra sans appel et on dernier ressort, privativement à tous juges, soit des cours souveraines, chambres des comptes et autres juges du royaume, des fautes et malversations commises et qui se commettront par les changeurs et autres justiciables y dénommés. » Cette juridiction fut plusieurs fois confirmée et en dernier lieu par édit donné à Saint-Germain en déc. 1638. L’ordonnance de Mois du 19 mars 1540, art. 23, ordonna aux généraux des monnaies, & Paris et aux baillis et sénéchaux dans les aultres lieux, de visiter chaque mois les maisons de changeurs. Un arrêt du 17 juillet 1423 déclara que nul, dans le royaume de France, ne pourrait faire le change, sans congé du roi. En vertu de l’ordonnance de Louis XII, à Blois, en novembre 1506«, nul ne pouvait être changeur sans avoir obtenu des lettres du roi vérifiées par les généraux des monnaies; ce qui fut confirmé par François I », à Nantouillet, le 5 mars 1332, et à Blois, le 19 mars 1540. Toutefois, par cette dernière ordonnance, le roi autorisa les généraux des monnaies à installer provisoirement des changeurs dans les lieux qui en manqueraient, à condition que ces changeurs se pourvoiraient de lettres royaux dans le délai d’un an. Henri II, « afin dec couper chemin aux fautes et abus, triages, billonnages, transports, rongneures, difformations et aultres malversations qui se commettent au fait des monnoyes, par lettres du 3 mars 1554 (1555, n. st.) érigea en titres d’offices toutes les charges des changeurs. Cet édit fut ronfirmé par Charles IX le 10 juilet 1371, puis par Henri III, qui dans son édit de mai 1580 déclara les offices de changeurs héréditaires et transmissibles aux héritiers en ligne directe, ou, à défaut d’enfants, à la veuve durant sa viduité. Les changeurs étaient en outre dispensés de prêter serment devant la cour des monnaies ; pour leur éviter les frais de déplacement, le roi leur permettait d’être reçus au serment par les baillis et sénéchaux. L’édit de 1380 limita le nombre des changeurs. Les offices de changeurs furent supprimés par édit de décembre 1601, puis rétablis en 1607, mais leur nombre diminué de moitié. A cité des changeurs titulaires, existaient des changeurs par commission établis par la cour des monnaies, la où elle les jugeait nécessaires, en vertu de l’ordonnance do 1350. Par édit du mois de juin 1696, Louis XIV révoqua toutes les commissions do changeurs et créa trois cents changeurs en titre d’office héréditaire.
Obligations des changeurs.
Les changeurs devaient exercer leur métier en public, sur un comptoir, appelé table ou liane, établi en plein air. A Paris, ils étaient établis depuis le commencement du XIVe siècle sur le Grand Pont, qui de là prit le nom de Pont au Change. Ils étaient tenus d’avoir de justes et bonnes balances avec le poids de marc et les diminutions étalonnées sur le poids original de France étant en la cour des monnaies; le tarif et évaluation des espèces, vaisselles et matières d’or et d’argent. Une des premières obligations des changeurs était de couper, ou de cisailler, pour employer l’expression des anciennes ordonnances, les espèces décriécs et de les porter dans un délai déterminé aux hôtels des monnaies. Ainsi, d’après l’édit de Henri IV, d’août 1607, les changeurs devaient remettre tous les trois mois aux hôtels des monnaies les espères décriées et les métaux précieux qu’ils avaient reçus, sous peine d’une amende do cent écus pour la première fois, et de la privation de leur office pour la seconde fois. L’édit de juin 1696 leur prescrivait d’envoyer chaque mois les matières, vaisselles et espèces, qu’ils avaient achetées. D’après le même édit, ils avaient « un registre coté et paraphé dans toutes les feuilles par le premier des présidents ou conseillers de la cour trouvé sur les lieux, ou juges-gardes des monnoies, et en leur absence, par le plus prochain juge royal des lieux que la cour a commis et commet à cet effet seulement, sans tirer à conséquence et sans frais, dans lequel ils écriront la qualité, la quantité et le poids des espèces, vaisselles et matières qui leur seront apportées avec les noms, surnoms et demeures de ceux qui les apporteront et le prix qu’ils en auront payé ». Les changeurs ne devaient pas se borner à recevoir les espèces décriées; ils étaient chargés de s’enquérir s’il y avait des particuliers qui retenaient ces espèces, et les faire saisir. D’après l’ordonnance de Blois, du 19 mars article 20, il était « défendu ans. changeurs de vendre aucun billon et matière d’or ny d’argent aux orfèvres, jovauliers ou autres qu’aux maistres particulièrs de nos monnoyes ou autre changeur pour le transporter ». Celte prohibition futt toujours maintenue jusqu’à la fin du XVIIIe siècle et renouvelée spécialement par arrêt de la cour du 2 sept. 1738. Ils ne pouvaient posséder de fourneaux pour la fonte des métaux et lorsque le titre de ceux qui leur étaient présentés ne leur était pas connu, ils devaient les faire fondre à l’hôtel de la monnaie le plus rapproché.
Droits et privilèges des changeurs. (…)
Les changeurs avaient un monopole pour l’exercice de leur profession. L’ordonnance de 1555 avait, défendu à quelque autre personne que ce fût de faire change sous peine do punition corporelle et d’amende arbitraire.En revanche,les rois s’efforcèrent toujours d’interdire aux changeurs les opérations de banque. Ainsi, en 1271, des changeurs italiens furent autorises à s’établir à Nîmes à condition de ne pas faire de prêts d’argent. Mais en 1247, un certain Gallart de Lart, changeur des foires de Champagne, apparaît comme le chef d’une société qui prêtait de l’argent au comte Thibaud. L’édit d’août 1555 autorisa les changeurs il faire la banque ; mais cette permission leur fut retirée en 1571, puis rendue par l’édit de mai 1580.
Les changeurs ont toujours joui d’importants privilèges. Ainsi, ceux qui venaient aux foires de Champagne et qui étaient sujets du comte de Champagne étaient dispensés du service personnel d’host et de chevauchée pendant la durée des foires. A Montpellier, l’un des consuls était choisi parmi les changeurs. C’était souvent, d’ailleurs, des personnages assez considérables. Ainsi, en 1246, Girard de Nivelle, changeur de Troyes, était chambellan du roi de Navarre.. Henri III, par lettres du 29 décembre 1581, exempta les changeurs du royaume de France de toutes contributions paroissiales, des guets, des logements des gens de guerre, etc ..
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Source
M Prou