Le psychodrame volcanique qui s’est déclenché ŕ la mi-avril risque-t-il de remettre en cause la reprise du trafic aérien ? La question est évidemment posée, sachant que l’industrie des transports aériens tout entičre a été sérieusement bousculée par la fermeture d’une bonne partie de son espace vital. On a assisté ŕ un étonnant jeu de dominos, les problčmes venus d’Islande se propageant rapidement ŕ l’ensemble du Vieux Continent puis affectant peu ŕ peu la plančte entičre.
L’IATA estime qu’il en a coűté environ un milliard de dollars aux compagnies aériennes européennes. Encore convient-il de s’entendre sur la véritable signification de ce montant, sachant qu’il s’agit d’un manque ŕ gagner et non pas de pertes ŕ proprement parler. Ultérieurement, sans doute constatera-t-on que le bilan financier est moins lourd qu’on ne l’affirme pour l’instant : les voyageurs qui n’ont pas pu entreprendre un déplacement ŕ la date prévue sont susceptibles de tout simplement le remettre ŕ plus tard. Dans ce cas, les recettes correspondantes se déplaceront, sans ętre perdues pour autant.
Bien entendu, le grand désordre opérationnel né de l’éruption de l’Eyjafjöll, la mise au sol de flottes entičres, les soucis de passagers bloqués, souvent au bout du monde, sont ŕ l’origine d’une facture trčs lourde. Et cela sans préjuger de ce qu’il adviendra des demandes d’indemnisation, voire d’actions en justice. Il ne fait pas de doute, au niveau du bon sens, que la suspension des vols est née d’un cas de force majeure. Néanmoins, tout le monde de l’entend pas de cette oreille et des divergences de vues sont apparues, notamment en ce qui concerne l’interprétation des droits des passagers tels qu’ils sont habituellement appliqués au sein de l’Union européenne. De beaux débats en perspective.
En revanche, il n’est sans doute pas judicieux de se tourner vers le rail, comme le font certains, pour trouver l’inspiration. SNCF, Eurostar, Thalys, etc., parfois généreux en matičre de Ť gestes commerciaux ť, ne vont en aucun cas au-delŕ du remboursement du billet, force majeure ou pas. Mais leur réseau ferré ne compte que des lignes courtes, par comparaison avec l’aérien. Eurostar n’a jamais abandonné l’un de ses passagers dans une chambre d’hôtel ŕ Los Angeles…
Comme rien n’est simple, voici que surgit également une tout autre proposition : que les compagnies remboursent les frais encourus par les passagers et qu’elles soient ensuite indemnisées par les Etats. Ce qui reviendrait ŕ dire que les transporteurs n’acceptent pas de prendre de risques.
On va aussi assister ŕ la confrontation de thčses diamétralement opposées au sujet de l’application du principe de précaution tel que brandi par les autorités. Des voix de plus en plus nombreuses s’élčvent pour critiquer la sévérité des mesures qui ont été prises. Par exemple, Wolfgang Mayrhuber, PDG de Lufthansa, affirme tout simplement que ces mesures ont été trčs exagérées. D’autant que la fermeture de l’espace aérien européens (des espaces, chaque Etat restant maître chez lui) se serait appuyée sur des extrapolations mathématiques de calculs scientifiques aujourd’hui contestés.
Quoi qu’il en soit, il n’apparaît pas fondé d’avancer que l’Eyjafjöll a cassé la reprise du trafic. Celle-ci est en effet trčs nette et plus rapide qu’on ne pouvait le prévoir il y a quelques semaines seulement. ID Aéro a calculé que la progression du trafic passagers au cours du premier trimestre a atteint 7,5%. En mars, elle est męme montée ŕ 8,8%, ce qui est considérable. Le ralentissement, rappelons-le, était apparu en décembre 2007, au moment des premiers signes de récession aux Etats-Unis puis le trafic avait littéralement plongé ŕ partir de septembre 2008.
La décroissance, trčs marquée, certes, n’aura finalement duré que 11 mois tandis que la reprise est étonnamment vigoureuse. Les effets dommageables de l’incident volcanique, aussi spectaculaire a-t-il été, ne suffiront certainement pas ŕ faire vaciller l’édifice. Mais chacun a senti le vent du boulet…
Pierre Sparaco - AeroMorning