Après le papyrus, le cinématographe, la presse écrite et la télé, voilà l’internet. Nous voici totalement noyés sous un déluge d’images, de données fragmentées, d’informations parcellaires. Pourtant, une partie de notre esprit reste lucide et se demande : comment donner une signification à tout cela ? Comment ne pas se résigner à être un spectateur passif et stupide, s’indignant du dernier dérapage verbal de tel politique, approuvant la nouvelle coiffure de telle actrice télé ou se réjouissant des derniers chiffres du Téléthon ?
Face à la révolution internet, les quotidiens et les hebdos d’information semblent naviguer à vue, telle la crotte nageant dans la chasse d’eau (image aimablement suggérée par Jean Pointu, fidèle lecteur de ce blog). La presse quotidienne papier est en train de se noyer sous cette avalanche de temps réel, sans visiblement trouver la bonne formule pour surnager durablement.
La partie lucide de notre esprit réalise alors qu’il existe un très grand nombre de revues, hebdomadaires ou mensuelles, souvent imprimées sur papier glacé, et dont le nombre de titres augmente chaque mois. Une partie de la presse écrite vit très bien, je dirais même prolifère de manière tout à fait anormale. Qu’est-ce qui peut expliquer la bonne santé de ce créneau de publications papier, visiblement pas le moins du monde perturbé par la dématérialisation de l’information ?
Ce qui est frappant, c’est qu’un très grand nombre de ces revues propose au lecteur un contenu scandaleusement indigent. Au risque d’être accusé de jugement péremptoire, je mettrai donc dans le même sac :
• La foisonnante jungle des revues féminines (Marie Claire, Be, Elle, Féminin Psycho, Femme Actuelle, Glamour, Biba…),
• La vague montante des revues pour homme (GQ, Men’s Health, FHM…),
• Les magazines people (Voici, Gala, Paris Match…),
• Les revues spécialisées en tout genre (informatique, développement durable, voyages, décoration maison, santé, art, architecture, cinéma…).
Une grande majorité de ces revues propose au lecteur du divertissement, de la pub (beaucoup de pub), de superbes photos et, en guise d’alibi, quelques articles d’un niveau intellectuel généralement consternant. La même remarque est valable pour les revues offertes (merci, vraiment merci) dans le TGV ou dans l’avion : des publi-reportages et des pseudo-enquêtes sur la société, sur l’air du temps, sur les hôtels à la mode… bref, un contenu d’un vide absolu. Parcourir vaguement les tests mille fois lus, les éternelles recettes de la minceur miracle (- 3 kilos sans effort) ou les reportages superficiels sur Barcelone ou Londres n’apprend rien au lecteur, et ne suscite pas plus sa curiosité que l’activation de son esprit critique.
Alors, POURQUOI EST-CE QUE CA MARCHE ? Quel est le deal passé entre ces compilations de vacuité et ces centaines de milliers de lecteurs qui acceptent chaque mois de débourser 3, 4 ou 5 euros ?
Du côté des revues, ça semble clair. Elles sont l’équivalent mensuel de l’abrutissement généré par la frénésie de l’actualité quotidienne, avec la fonction évidente de vider l’esprit du lecteur. Par leurs contenus, elles le confortent dans ses préjugés, ses bas instincts et sa médiocrité ; cette vidange intellectuelle permet d’endormir la vigilance et de susciter plus aisément les pulsions d’achats adéquates.
Et du côté du lecteur ? Plus difficile à décrypter. On ne veut plus payer pour de l’information, de l’analyse, du sens, mais on accepte de payer pour des âneries et de la publicité. Comment expliquer cette soumission volontaire à la dictature de la consommation ? Réveillons-nous, et arrêtons de « vivre et penser comme des porcs » !