Maxime Bernier, député conservateur de Beauce, n’y va pas avec le dos de la cuillère. Il n’hésite pas à dire les choses comme il les voit nonobstant le fait qu’il sait que ses avancés créeront des vagues négatives contre lui. Il est courageux, sincère et a le mérite, contrairement à d’autres politiciens, de vouloir parler des choses essentielles pour notre société.
Il soutient : « plusieurs personnes à travers le pays perçoivent les Québécois comme un groupe d’enfants gâtés qui ne sont jamais satisfaits et en redemandent toujours plus ». Sur ce point, il a raison. Lorsqu’on lit sur internet et dans les journaux les commentaires de Canadiens d’autres provinces ou encore si on les écoute sur des lignes ouvertes de radio, on se rend vite compte que ce sentiment existe.
Oui, le Québec est combatif dans ses demandes au gouvernement fédéral, mais il le fait à l’intérieur de la constitution canadienne et de son interprétation de celle-ci. Le Québec n’est pas la seule province qui agit ainsi puisqu’à plusieurs occasions dans le passé, les provinces se sont regroupées pour batailler ensemble les positions unilatérales du gouvernement canadien qui lui aussi interprète la constitution en sa faveur. Les ex-PM québécois Duplessis, Lesage, Johnson, Lévesque et Charest ont provoqué des conférences fédérales-provinciales pour persuader le fédéral de leurs arguments. La liste de leurs gains est longue. Depuis sa venue au pouvoir, Charest a créé le « conseil de la fédération » qui unit les premiers ministres des provinces dans leurs négociations avec le gouvernement fédéral.
Il est clair que les individus qui croient que seul le Québec demande, se trompent. À mon avis, ils sont endoctrinés par des animateurs de radio de droite qui pullulent dans les autres provinces et qui n’hésitent jamais à cogner sur le Québec. Le référendum sur l’Accord de Charlottetown a été un exemple frappant des conneries dites par ces radiomen du Canada anglais.
Notre pays est une fédération et il est normal que le Québec qui n’est pas une province comme les autres à cause de son histoire, sa culture, sa langue, sa nation quoi !, réagisse vivement et cherche à devenir le plus autonome possible dans tous les domaines qui sont de sa juridiction. Agir autrement serait irresponsable. Que certains citoyens des autres provinces pensent le contraire, tant pis ! Ils ont tort.
Bernier espère que le Québec « cesse de recevoir l’argent du système de la péréquation ». Je l’espère aussi puisque ce jour-là nous serons plus riches et plus indépendants.
Notre fédération est très décentralisée à cause de l’immense superficie du Canada, la plus grande au monde. Les responsabilités des provinces et des territoires sont grandes en matière de dépenses. Les ressources naturelles varient beaucoup d’une province à l’autre, le revenu aussi et la conséquence est une grande disparité entre les capacités fiscales de chacune. La péréquation existe pour assurer à tous les Canadiens, où qu’ils soient, les mêmes services publics, la même protection sociale et les même niveaux d’imposition. Cela fait partie de la constitution canadienne.
Il y a donc des gouvernements qui ont plus de revenus que la moyenne (les provinces riches) et ceux qui en ont moins (les pauvres). Actuellement quatre provinces sont « riches » et contribuent au fonds de la péréquation et six provinces et deux territoires sont « pauvres » et reçoivent des argents. Le Québec est dans le groupe des « pauvres » (pauvre est un mot mal choisi) et il n’y a pas de honte là-dedans. L’Ontario qui a toujours été une province riche, à un moment donné la plus riche, est depuis cette année devenue une province « pauvre » puisque son domaine manufacturier s’effondre devant la Chine.
En fait, le Québec est plus pauvre qu’il devrait l’être et cela n’a rien à voir avec les Québécois actuels. Il faut se rappeler qu’il y a à peine cinquante ans, Montréal était le centre des affaires du Canada, toutes les grandes compagnies y avaient leurs sièges sociaux, l’aéroport de Montréal était le plus important au pays, etc. Mais avec le débat sur la séparation du Québec, plus de 125 sièges sociaux des plus grandes compagnies sont déménagés à Toronto amenant avec eux des dizaines de milliers de personnes d’affaires, riches, bien éduquées et des jeunes diplômés universitaires de langue anglaise. Ce fut un « brain drain » de grande envergure qui a fait un tort immense à notre capacité de production de richesse. De plus, plusieurs grandes industries fermèrent leurs portes pour reprendre leurs activités en Ontario et ailleurs. Le plus bête, c’est que ces gens ont eu peur pour rien.
Lorsque le député Bernier critique les 40 dernières années, il semble oublier que malgré que le Québec ait perdu, d’un coup, un flanc si important de toute son activité économique et un si grand nombre de décideurs de qualité, les Québécois ont pris la relève et ont démontré une grande capacité entrepreneuriale comme le démontre l’évolution des affaires au Québec. Ce n’est pas l’incitation à entreprendre qui a manqué. Si ceux qui nous ont quitté étaient demeurés au Québec, s’ils avaient cherché à comprendre la société québécoise et à s’y intégrer davantage, ils auraient pu bénéficier de cette montée extraordinaire de l’entrepreneurship chez les Québécois. De notre côté, nous aurions pu profiter de la présence de ces grandes compagnies chez nous pour faire encore de meilleures affaires. Les compagnies et les individus qui sont partis seraient aussi riches qu’ils le sont actuellement, sinon plus, et auraient contribué considérablement à l’enrichissement du Québec. Les Québécois ne seraient peut être pas les plus taxés du Canada. Le Québec ne serait pas le 59ième sur les 60 états (provinces et États américains) de l’Amérique du Nord en rapport avec l’indice de liberté économique établi par l’institut Fraser.
Maxime Bernier dénonce « l’interventionniste du gouvernement du Québec ». Je suis d’accord avec lui. Notre gouvernement ne cesse de donner des subsides aux entreprises, à des individus et à toutes sortes d’organismes alors que nous vivons une période de déficit et de dette galopante. Le ministre semble incapable de dire « non ».
Par exemple, depuis la présentation du dernier budget, où le ministre des finances a annoncé de grosses augmentions de taxes, de tarifs et a promis de réduire les dépenses gouvernementales d’un montant équivalent à 60% du déficit prévu (les payeurs de taxes payant la différence) pour atteindre le déficit zéro, le gouvernement a accordé, comme le listait récemment le Journal de Montréal, plus de 700 millions $ en subventions de toutes sortes.
Encore la semaine dernière, nous apprenions que Québec donnait trois millions de $ sur un budget de quatre millions de $ à l’organisation d’un premier festival des arts du cirque à Montréal, l’été prochain. Personne ne me fera croire que cela est justifié alors que de grandes entreprises de cirque, comme le Cirque du Soleil, auraient pu contribuer ce montant pour le festival. Si Guy Laliberté a pu payer un ticket de 35 millions de $ pour aller dans l’espace 10 jours, sa compagnie peut sûrement contribuer largement aux frais de ce festival. C’est au milieu des affaires d’aider de telles entreprises et organismes, ne serait-ce que pour la publicité qu’il en récolte ou l’esprit civique… mais ça je ne suis pas certain.
Le problème de plusieurs de ces dons, depuis tant d’années, est qu’ils aident à former des organisateurs et non des entrepreneurs. On a une idée, on a besoin de sous, on voit les gouvernements, on obtient les sous et on organise. C’est facile ça mais ce n’est pas ça l’entrepreneurship. Et pendant ce temps-là, le gouvernement fait le beau avec de l’argent qu’il emprunte.
Maxime Bernier a frappé fort avec son discours de Mont-Saint-Grégoire. Le problème est que le contenu sent l’extrême-droite américaine. Un journaliste rapporte qu’il est un admirateur du président Reagan et qu’il a vu dans son bureau le récent livre d’Ann Coulter. Cette dernière est républicaine d’extrême-droite, radicale, insensée et est sympathique aux « teapartyers ». Elle hait Barack Obama. Si Bernier pense suivre cette voie pour entraîner les Québécois et les Québécoises, il se trompe. Jamais nous ne voudrons d’un tel esprit politique rétrograde chez nous. Par contre, s’il réaligne ses propositions au centre-droit, il trouvera beaucoup d’appuis. L’État-Providence est terminé mais cela ne veut pas dire qu’il faut jeter par terre tout ce qu’il a donné à notre population, aux non-instruits, aux pauvres, aux malades et aux plus démunis.
Maxime Bernier est un politicien intelligent qui a beaucoup de charisme. Son éducation, son talent et sa fougue le préparent à bien remplir les postes les plus élevés du gouvernement canadien, peut être même un jour le premier.
Claude Dupras