Le Fils de la bonne

Publié le 25 avril 2010 par Sébastien Michel
Guillaume Lecasble, éd. JBZ & Cie
A partir de 18,53 euros sur amazon.fr

Dans son cinquième roman, Guillaume Lecasble continue à cultiver sa fibre fantastique. Voici  l'intrigue : la scène se passe dans les années 50. Concepcion, la bonne de Monsieur et Madame, a un nom drôlement prédestiné. Elle est enceinte comme Madame d'ailleurs. Sauf que le bébé qu'entend Monsieur, qui est médecin fait un bruit pour le moins bizarre, il grésille comme une radio. Évidemment Monsieur n'en croit pas ses oreilles et Concepcion redoute un moment d'enfanter un martien ou pire un monstre. Le jour de la sortie, la surprise est belle, il s'appelle Manolo : « Je suis un bébé. Un vrai bébé et non pas un poste de radio comme dans ses pires cauchemars. » Tout va pour le mieux jusqu'au cri primal, des bribes d'émissions radiophoniques... Au même moment comme un écho vital, naît la fille de Madame, Louise. Elle n'émet pas, elle. Personne ne doit connaître le secret sonore de Manolo, sans quoi le petit émetteur pourrait devenir une machine de foire, selon Monsieur.  Il grandira donc avec sa copine Louise, le mystère au bout des lèvres, muet comme un poste éteint et ses longs cheveux en guise d'antenne. A la récré, seul dans son coin, il s'amuse à capter les émissions des ondes, crachant ici et là quelques unes des grandes nouvelles de son temps. Le messager résonne des exploits de Gagarine, de la mort de Camus ou encore de la série à l'eau de rose Le château d'Estremonts.    La chronique de cet enfant non pas surdoué mais surréel a de quoi souvent faire rire, et pourtant elle a aussi d'autres pouvoirs, celui en premier de toucher nos cordes sensibles. Lecasble, poète-romancier, en digne héritier d'un Michaux ou d'un Prévert, donne la parole à l'étrange, le petit sujet en marge que l'on regarde avec des yeux ronds et que l'on s'éprend aussitôt d'une tendre tendresse. L'écriture est à l'image de son émetteur, drôle, cocasse, fantaisiste, espiègle, sans arrogance et les monologues intérieurs de Manolo à défaut d'être audibles sont toujours spirituels. Un vrai coup de coeur.