Je fais le tour du bâtiment. Évite d'emblée les portes automatiques et la banque d'accueil, téléphones saccadés, sonneries d'infirmes balancées contre les murs. À l'arrière, cour désaffectée, cauchemar propice à tous les trafics, même les miens. J'attends ici mon dealer, celui qui porte ma cam dans ses poches de jean neuf et qui sourit fluo quand il me voit arriver.
Ma cam main droite tranchée nette sous le poignet.
Ma cam trop large, trop lourde pour être planquée sous un t-shirt.
Ma cam voyage dans sac difforme réfrigéré pour respecter la chaîne du froid.
Ma cam sans artifice, ma cam est chair, ma cam respire.
Ma cam est à choisir parmi sélection exhaustive déroulée sur papier glacé, ensuite paiement comptant en cash à la commande.
Ma cam se dépigmente, ma cam se montre, ma cam s'adapte.
Ma cam série de travaux pratiques ratés, ma cam exutoire pour soit disant étudiants en médecine soit disant.
Ma cam rayon boucherie-charcuterie.
Ma cam issue des morgues, des blocs éteints, salles d'op fermées, fight club ouverts.
Ma cam expérience génétique interdite.
Ma cam vient d'ailleurs mais d'où ?, personne ne sait.
Ma cam sans code-barre mais on graverait ça au feutre, code aiguisé à même la peau.
Ma cam référence PBOX836-BB-W55 (55 mesure en millimètres).
Ma cam sans jack ne fonctionne pas à l'électrique.
Ma cam est écologique est issue de l'agriculture biologique est développement durable.
Ma cam et moi me manquent, ma cam le sait, ma cam savoure.
Ma cam raccord de peau à faire entre les membres inadaptés.
Ma cam n'est pas fournie avec pigmentation des tissus ni concordance des peaux, ces ajouts là sont en option.
Ma cam soupire, ma cam suffoque.
Magazine Culture
Coup de tête 4 : passage dont on sait à l'avance, pendant l'écriture même, qu'il ne conviendra pas au texte et que sa place n'est pas là. Je l'ai écrit quand même, inscrit dans la continuité du récit, relu plusieurs fois, jusqu'à trouver les couilles de trancher net. Passage que je ne trouve ni mauvais, ni raté, mais qui ne correspond pas à Coup de tête. Ce matin tranché net. Je le propose ici pour ne pas l'effacer des brouillons pour autant. Sa construction, sa mécanique, est évidemment fortement inspiré de La crise de Joachim Séné, lu il y a quelques semaines.