Dans notre société néolibérale où activité et production sont confondues, où progressivement le marché et le marchand recouvrent tout, la retraite est de plus en plus vue, consciemment ou non, comme un « congé de fin de vie ». Congé venant récompenser une vie de dur labeur et/ou réparer les destructions causées par le travail. D’où , très naturellement avec cette vision, l’argument « imparable » –retarder l’âge de la retraiteau fur et à mesure que l’espérance de vie augmente –et l’enfermement dans une vision « comptable » de l’existence.
Une autre approche est possible. Celle de la retraite comme l’expérimentation d’une autre vie, dégagée de la subordination totale au marché où l’activité ne produit pas des marchandises, c’est-à-dire des biens et services servant uniquement de support à l’accumulation de profits, mais tisse des liens qui permettent à notre monde de rester humain. Ce que Louis Chauvel appelle, avec une forme certaine de culpabilisation, « l’âge d’or des jeunes retraités ». Bien loin d’être la parenthèse d’une génération égoïste (généralisation bien hâtive tant les situations diffèrent), la situation des retraités, étudiée par Bernard Friot et les chercheurs de l’Institut Salarial européen, qui continuent à mettre en œuvre leur qualification en toute liberté, dégagés de la contrainte du marché du travailgrâce à une pension proche de leur dernier salaire (« salaire continué »), préfigure ce que pourrait être la vie, à tout âge, dans une société post-capitaliste.
Je rêve que Mediapart, dans une de ses séries de reportage dont ses journalistes ont le secret, s’intéresse à la vie active de ces « retraités heureux » et sortent un peu des entretiens successifs avec des politiques ou des « spécialistes » qui, à l’exception de Philippe Askenazy, n’apportent aucune ouverture par rapport à l’un des deux sujets de long terme abordés dans les médias.
Chiche !
éé
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