Les comparer peut sembler totalement impertinent et inapproprié. D’un côté, un film d’auteur intimiste. De l’autre, une comédie commerciale calibrée grand public. Et pourtant, derrière leur logique marketing et leur démarche artistique totalement contraires, Mammuth et Camping 2 parlent d’une France bien peu représentée au cinéma, tout en révélant le malaise profond d’une société laissée pour compte.
MAMMUTH
Serge Pilardosse (Gérard Depardieu) et Patrick Chirac (Franck Dubosc) sont tous deux des loosers, à leur manière. Le premier vient à peine de prendre sa retraite après avoir trimé toute sa vie. Le second, au chômage, débarque au camping des Flots Bleus pour trouver en vacances de quoi combler sa solitude. Les deux beaufs l’ont testé et approuvé pour vous : le travail rend malheureux, et la réalisation de soi se fait dans le congé. Dans Mammuth, le bien-être est dans la retraite. Dans Camping 2, il est dans les vacances (une semaine de moins que l’année dernière, crise oblige).
Grâce à une vieille moto ou encore à une bagnole estampillée “je suis célibataire”, le dépaysement sous le soleil permet à nos personnages de changer d’air et de se confronter à leur imbécillité. Jamais moqueur ni dédaigneux, Mammuth dresse ainsi le portrait simple d’un homme perdu, dont le road-trip initiatique devient une leçon de vie. Gustave Kervern et Benoît Delépine réalisent une comédie sociale douce-amère, traversée de pointes d’humour trash et de grands moments de solitude. Bien sûr, Camping 2 ne joue pas dans le même registre. Mais derrière son humour facile et grossier guette sans cesse un arrière-goût mélancolique, presque triste. Après tout, Patrick Chirac - mais aussi toute la galerie d’hurluberlus autour de lui – incarnent le désespoir amoureux dans le célibat endurci ou la crise de couple. Symptômes, s’il en est, que la France va mal. Et le cinéma le dit avec plus ou moins de justesse.
Sans forcément remettre en question l’interprétation de Franck Dubosc - dont l’éventuel degré de méchanceté (ou de mépris) est inhérent à ce type de comédies -, la performance de Gérard Depardieu dans Mammuth est quant à elle stupéfiante de finesse, d’humanité et de tendresse. Parce que le premier (sur)joue là où le second se livre avec une impudeur respectueuse et un naturel désarmant, le film de Kervern et Delépine dégage une authenticité que son parti-pris formel contestable (image inutilement crade pour la jouer “art et essai”) et ses faiblesses de scénario (longueurs et fin bâclée) ne viennent paradoxalement pas atténuer.
Si Camping 2 parvient à arracher quelques sourires aux spectateurs indulgents, c’est finalement devant Mammuth que l’humour le plus caustique finit par briller, en sursauts sur un oscillogramme hésitant, égaré dans la mélancolique poésie de l’existence.
En salles le 21 avril 2010
Crédits photos : © Ad Vitam / Pathé Distribution